Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre… Cette fois-ci, André-François Ruaud vous parle de la genèse de notre sortie d’août, le génial roman de fantasy par Brice Tarvel : « Pierre-Fendre« .
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Cette année, dans le cadre de l’opération « Rentrée de la fantasy française », nous avons choisi de publier un roman non pas d’un « jeune auteur » mais bien au contraire, d’un formidable vétéran des littératures populaires. Scénariste de BD, continuateur de Bob Morane et de Harry Dickson, romancier dans diverses maisons (et en particulier deux tomes de toute beauté chez Mnémos), Brice Tarvel est quelqu’un qui, par sa célérité de plume, l’ambition de son imaginaire et son goût pour les mots, nous intéressait depuis un moment — un jour, il y a environ une année de cela, je lui ai proposé de nous écrire un roman. À quoi il a répondu que bien volontiers, mais que voulions-nous ?
Un instant pris de court, je lui ai répondu ceci : « J’ai réfléchi, et ma foi, non seulement j’aimerai vraiment bien que tu nous écrives un roman… et un roman de quoi ? De fantasy t’avais-je dit. j’irai plus loin : j’aimerai bien que quelqu’un, toi donc peut-être, nous écrive une sorte de Gormenghast à la française. Un roman de fantasy qui se lise seul, sans suites, et qui se place entièrement dans un château géant, immense… cela t’inspirerait-il? »
Et onze jours plus tard, très exactement, je recevais un premier synopsis de « Pierre-Fendre« . Ça, c’est du pro.
Brice Tarvel a pour usage de se laisser emporter par son imagination — et le résultat, sur les bases de ce synopsis, dépassa mes attentes : j’avais évoqué une sorte de Gormenghast à la française (en référence au chef-d’œuvre de Mervyn Peake), mais en lisant son manuscrit, j’ai également découvert qu’il était allé plus loin dans le genre de choses qui me plaisent… Et là, il me faut faire un aparté afin de bien vous expliquer : lorsque j’avais mené des relectures de fantasy américaine des années 80-90 (ce qui conduisit à mon choix de Lisa Goldstein comme autrice étrangère à essayer d’imposer dans notre propre catalogue), j’avais relu les deux premiers tomes de la série inachevée de James Stoddart, que j’avais autrefois adorée. Et j’avais été cruellement déçu : le sous-texte fortement réactionnaire m’avait sauté au visage (hystérie anti-communiste et amour des élites), cet auteur n’était hélas pas publiable. Et voici (fin de l’aparté) que Brice Tarvel développait dans son propre roman certains des aspects les plus attachants de l’univers de Stoddart, sans l’avoir jamais lu (assurément) et bien entendu, sans aucun des relents fachos (deux de ses persos sont même gays, d’ailleurs). Le bonheur, quoi !
Et enfin, le résultat, ce Pierre-Fendre, c’est pour moi la confirmation que j’avais vu juste : Brice Tarvel est réellement une plume taillée pour les Moutons électriques ; une route originale de plus dans un catalogue qui, finalement, se spécialise dans l’exploration hors des chemins battus. Un roman de lecture jouissive, à la langue robuste, et qui file sans rien demander à personne : une œuvre, quoi. De la littérature de l’imaginaire, ou « littérature » et « imaginaire » sont bien à égalité, et c’est ce qu’il faut.
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Pour en savoir plus : http://www.moutons-electriques.fr/pierre-fendre