Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre… Nicolas Le Breton vous explique par quelle sorcellerie inavouable il a conçu son Sherlock Holmes aux Enfers.
Sherlock Holmes aux Enfers s’est fait avec un guide surprenant : les arcanes du Tarot. Non pas sous forme divinatoire, c’est-à-dire en faisant un tirage de cartes qui déterminerait les évènements au fur et à mesure, mais en prenant les lames dans l’ordre dans lequel elles ont été conçues. Les 22 lames sont autant de chemins et — à ma propre surprise — ces chemins ont remarquablement bien épousé les circonvolutions du récit… cela veut dire, j’en suis persuadé, que cet ordre des lames correspond à de profondes motivations de l’esprit humain. Ça a été une expérience fascinante que de le découvrir.
Sherlock Holmes aux Enfers restera un roman important de ma bibliographie, en termes d’évolution personnelle, en termes d’écriture. J’ai le sentiment, pour rien ne vous cacher, que c’est un des deux-trois ouvrages les plus importants de ma vie. Oui, je sais. Pour un auteur, le meilleur ouvrage, c’est toujours le prochain. Mais je pense sincèrement que celui-ci a été une formule magico-créatrice vraiment féconde.
Bien sûr il y a le sombre du thème, qui en fait une sorte d’Œuvre au Noir (une phase de destruction pour laisser place à une Renaissance) ; mais, au-delà, l’écriture de cet ouvrage a été une sorte d’évidence, comme la libération de thèmes personnels, voire intimes, que je ne savais pas — ou n’osais pas — aborder jusque là.
Obtenir une bourse de la Région Auvergne-Rhône-Alpes — c’est anecdotique, mais pas tant que cela — a été un bel encouragement, et m’a donné aussi je pense ce petit surcroit de confiance pour… lâcher les brides de mon imagination et de mon désir.
C’est un monde fascinant que celui des Anges et des Démons. Que l’on y croie ou pas, c’est une matière puissante qui, brassée en profondeur, peut « sacrément » inspirer. Après tout, c’est une partie de la culture dans laquelle nous baignons.
C’est aussi une tradition… assez drôle, au final. De voir ces catalogues entiers d’entités angéliques ou démoniaques étalés dans des ouvrages à vocation savante — les 72 anges de la Clef de Salomon, les innombrables démons du Dictionnaire Infernal de Collin de Plancy — mazette, nos ancêtres savaient occuper leurs soirées au coin du feu ! Ouvrages qui eux-mêmes étaient l’exégèse de bien des traités obnubilés par une démonologie aussi fascinée que dégoûtée. Certains de ces noms de diables ont atteint la conscience collective : Bélial, Belzébuth… d’autres sont affaire de spécialistes. Et les Anges… les écrits des trois religions du Livre pullulent de hiérarchies angéliques qui ont nourri bien des commentaires, bien des controverses. Combien d’Anges peuvent tenir en équilibre sur la pointe d’une épée ? Je vous le demande. Pourtant ces êtres qui « incarnent » l’aspiration à la lumière qui nous agite tous, nous créatures. Si l’on évite de prendre tout cela au sens littéral, et qu’on les utilise pour ce qu’ils sont — des images de notre psyché — quel grand fun que ce barnum !
Nicolas Le Breton