Le deuxième volume de la série de Jean-Philippe Jaworski « Rois du monde » va paraître fin mai. En attendant, par curiosité ou par sadisme, allez savoir, un tout petit extrait… Il y en aura d’autres…
C’est alors que la fête commence vraiment. La courre n’est plus seulement la traque d’un animal : elle devient émulation. La lance à l’horizontale, balancée à bout de bras, les héros se jettent à travers la ramée, tout en flattant les limiers de la voix. À courir au milieu des chiens, à lutter contre le terrain lourd et les branchages rétifs, à écarquiller les yeux pour éventer les ruses du cerf, pour être le premier à crier la vue, on se fait un peu moins hommes. On souffle la gueule ouverte, on se frotte à l’écorce, le sang nous vient aux ongles. On hume un plaisir brutal et fuyant, avides d’une mise à mort qui tient du massacre et de l’offrande. On glisse dans nos forêts intérieures comme on perce dans ces taillis, et nous voici en train de rebrousser vers nos vérités crues, nos vies de loups-cerviers. L’effort de tous ces fauves qui filent à travers bois effare telle une promesse de guerre.