Le Roi Cornu

Amis lecteurs,

Si vous suivez nos parutions, vous avez sans doute vu l’annonce de ce beau tirage ultra limité : « Le Roi cornu, suivi de Dévoreur » par Stefan Platteau (couverture de Melchior Ascaride). Que vous soyez amateur de la plume merveilleuse de notre auteur belge, ou que, poussé par une saine curiosité littéraire, vous souhaitiez découvrir une fantasy d’une beauté rare, nous vous recommandons chaudement cet ouvrage. En deux longues nouvelles (indépendantes de la saga principale), vous découvrirez les Sentiers des Astres, son atmosphère cruelle de conte de fées, emplis de dieux indifférents, de faiblesse humaine, de magie terrifiante, sur lequel règne un envoûtant parfum de mythologie indienne.

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En attendant, un extrait de l’annexe inédite :

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DE L’ORDONNANCEMENT DES ÂMES ET DES PLANÈTES

Lorsqu’il s’agit d’étudier la structure du cosmos et de l’âme humaine — qui sont miroirs l’un de l’autre — les sages s’en réfèrent à l’un des plus longs livres sacrés hérités de l’Antiquité : le Sutra Surasyr.

C’est un texte d’une ineffable beauté et d’une très grande profondeur ; mais je crains que ses versets ne soient un peu complexes pour le profane. Il nous appartient donc à nous, bramynns de cendre et orateurs confiants, d’en traduire la teneur en termes plus simples, de sorte que chaque homme, chaque femme et chaque enfant puisse appréhender la beauté et l’ordonnancement universel, y trouver sa place et son équilibre.

Sache d’abord que le sutra classe les astres majeurs selon deux axes : fastes/néfastes et conquérants/rentrés.

Les Astres fastes sont ceux dont l’influence est généralement souhaitable. Elle assure l’harmonie des relations humaines, la résilience des êtres et la prospérité des communautés. Ce sont ceux qui portent chance, stabilisent les choses et permettent d’aller de l’avant. Ils sont représentés sur la moitié supérieure de la Roue des Astres.

Les Astres néfastes sont ceux dont l’influence n’est généralement pas souhaitable, car elle porte la guigne, conduit l’individu à des comportements égoïstes, fissure les sociétés et provoque le malheur. On les trouve dans la moitié inférieure de la Roue des Astres.

Les Astres conquérants sont des forces tournées vers l’extérieur de l’être, des facteurs de changement. Ils figurent à droite de la Roue astrale, et sont davantage influents sur la jeunesse.

Les Astres rentrés sont des forces intérieures, mieux présentes chez les hommes et des femmes mûrs. Ils sont représentés à gauche de la Roue astrale.

Il existe diverses façons de se placer volontairement sous la protection et l’influence d’un astre donné. La plus connue est, bien entendu, de faire le Narvin, c’est-à-dire de se peindre sur le front, avec des poudres sacrées, la rune associée au corps céleste choisi pour gouverner votre journée. L’élection de celui-ci devra être effectuée judicieusement, au besoin sur le conseil d’un bramynn, en fonction des enjeux qui vous attendent dans les prochaines heures. Par exemple, l’influence de la lune améliorera votre sensibilité et votre séduction, celle du soleil portera chance à vos entreprises, aiguisera votre parole et dissuadera les gens de vous mentir, celle de Vâli vous protègera des hasards et infortunes d’un périlleux voyage.

Tous les sages s’accordent à dire qu’un certain équilibre entre les astres est souhaitable dans l’âme humaine ; et ce, bien que, par nature, chaque personne possède sa propre déclinaison de cet équilibre, et que chaque planète rugisse plus ou moins fort d’une âme à l’autre. L’homme aspirant à la juste mesure peut corriger ses excès en recherchant l’influence d’un astre opposé. Par exemple, un être colérique veillera chaque fois que possible à dessiner sur son front le narvin d’Atun ou de Sahari, qui lui apportera la sérénité nécessaire pour contrebalancer l’ardeur bouillonnante d’Issa. Les aliments et épices (choisis en fonction des astres auxquels ils sont associés) l’aideront aussi à rétablir l’harmonie dans son Calice, de même que les symboles, métaux et couleurs placés dans son environnement.

Maintenant, voyons les Astres de plus près, et comment ils nous gouvernent… commençons tout en haut de la roue :

Suros, le soleil (faste) : Le soleil est l’Astre dominant qui régente la course de tous les autres. Les bramynn sont conscients depuis longtemps de sa place centrale dans le cosmos, grâce aux savants calculs hérités des géants. En lui prend racine toute royauté terrestre. Sa lumière révèle les vérités qui demeurent cachées sous la lueur des planètes nocturnes ; son feu inspire la franchise et confond les faux-semblants et les menteurs.

L’ardeur solaire est probablement la plus grande force créatrice de l’univers. C’est elle qui anime les bâtisseurs et les conquérants, leur donne le courage de recommencer inlassablement leur œuvre et de triompher de l’adversité. Elle rend puissante la parole, avive l’intelligence, confère de la clarté aux idées. Un nombre incalculable de métiers, castes et rôles sociaux sont placés sous sa gouverne, du Ksatri noble né à l’humble maçon, en passant par l’architecte, le marchand, le sculpteur et bien sûr la caste sacerdotale. On conjure Suros avant toute entreprise importante, pour s’attirer les faveurs du ciel et s’assurer du succès. On le prie d’accorder courage dans la bataille, vigueur aux jeux du lit, fertilité à la semence.

Toutes les traditions attestent que le soleil s’est incarné dans un grand nombre d’avatars au cours des ères. Plusieurs d’entre eux sont à l’origine d’inventions civilisatrices essentielles (par exemple l’écriture). Aux yeux des Confiants, le dernier de ces avatars est Harienn aux Trois visages, qui vainquit l’esprit rémanent des dieux du Vintou et l’enferma sous terre pour toujours. En tant qu’incarnation ultime de Suros, Harienn se place au-dessus de tous les autres dieux et avatars.

Les géants solaires sont considérés par les bramynn comme des semi-avatars, une première génération de serviteurs de l’Astre. Leur Calice est dominé par un Suros semi-éveillé. Selon la foi solaire, ils ont rejoint Harienn dans sa cité céleste après la Gigantomachie.

Quelques circonstances de la vie où Suros est invoqué : fondation d’une ville, couronnement d’un roi, consécration d’un temple ou d’un bramynn. Construction d’une maison, d’un pont, d’une tour ou d’un bâtiment. Départ d’une caravane marchande, inauguration d’une foire. Réalisation d’un chef-d’œuvre d’artisan. Comparution judiciaire, duel judiciaire, établissement d’un acte civil. Départ en guerre, veille d’une bataille, dressage d’une machine de siège. Demande en mariage, mariage, bénédiction du lit nuptial, naissance d’un enfant. Semailles. Déclaration sous serment.

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Dévoreur de Stefan Platteau (extrait)

Couverture de Dévoreur

Dévoreur de Stefan Platteau, une fantasy indépendante dans l’univers des Sentiers des Astres

« Elle s’est embrasée dès l’instant où j’ai posé mon regard dessus. Son nimbe a dévoré les autres astres pour emplir la moitié du ciel, sans un bruit. La lune s’est éteinte pour lui faire place nette, elle s’est réduite à une vague empreinte luminescente reléguée dans les ténèbres de sa part de nuit. Il s’est mis à faire soudain terriblement chaud dans mes montagnes, chaud et clair. J’avais les oreilles qui bourdonnaient, les iris saturés de lumière, et le monde tournait tout autour de moi. Je titubais, comme ivre, tandis que ma peau buvait malgré moi toute la radiance de l’Astre et m’en gorgeait à nausée. J’ai cherché appui un instant contre le mur du refuge. J’ai enfoui mon visage dans le creux de mon coude pour préserver mes yeux de cet incroyable feu céleste, je me suis accroupi contre la bâtisse, puis recroquevillé sur moi-même. Alors j’ai senti décroître peu à peu la pression dans mes tempes, tandis que la nuit, par-delà mes paupières, retrouvait graduellement sa noirceur. L’étoile – la planète – était en train de se coucher derrière l’horizon.»
« J’ai rouvert les yeux. Toujours assis sur mes talons, j’ai levé la tête pour regarder les autres astres retrouver peu à peu leur place dans l’éther, et leur mouvement de tourbillon se ralentir, se ralentir, tandis que le silence emplissait tout de sa pesanteur. Et puis soudain, alors même que je croyais le phénomène terminé, une flambée de lumière s’est abattue du ciel. Comme un javelot de braise, elle a frappé le monde juste derrière le refuge. Il n’y a eu ni souffle ni vacarme, point d’embrasement, pas le moindre son, en fait ; mais j’ai senti sur le coup trembler le fond de mes os. »
« J’ai retenu ma respiration et j’ai attendu, sans plus oser bouger, que la folie du ciel manifeste sa prochaine lubie. C’est alors que j’ai perçu ce halètement lourd à quelque pas de moi. »

Dévoreur de Stefan Platteau, quand l’écriture chevauche les astres.

http://www.moutons-electriques.fr/livre-359

 

La Fenêtre de Diane (extrait)

 

Couverture de la Fenêtre de Diane

http://www.moutons-electriques.fr/livre-351

« Le Très-Haut n’écoute plus. Les yeux clos, il se masse le front et les tempes du bout des doigts. « Étrange, dit-il. J’ai cru… on aurait dit un souffle glacé à l’intérieur de mon crâne.
— Moi aussi ! s’écrie le surveillant. Mais c’est…
— Le marque-page, dit le lecteur. Il est revenu.
— Pas LE marque-page, DES marques-pages, corrige le surveillant. Chacun le sien. Je vais pouvoir retourner à la Bibliothèque.
— Et moi retrouver la Sapience.
— Moi… » Le Dragien s’est retourné. Il considère le fauteuil de malade avec perplexité. « La petite fille… Je ne peux quand même pas l’abandonner ici, dans ce lieu inconnu !
— Vous voulez la ramener à l’auberge ? À l’instant T-10 ou T-5, enfin quelques minutes avant l’anéantissement de ce monde ? Ici, dans cet endroit en marge du temps, elle se trouve à l’abri…
— À l’abri des nuées ? Elle en sera encore plus à l’abri si je l’emmène loin de l’instant où elles apparaissent… »

La Fenêtre de Diane de Dominique Douay, où quand la force d’évocation d’un Modiano rencontre l’esprit génial d’un Philip K. Dick.

http://www.moutons-electriques.fr/livre-351

« Dix-huit heures vingt-sept. Elle enfourne le Français dans un taxi et disparaît derrière un groupe de hauts fonctionnaires des ministères proches tandis qu’il indique sa destination à un chauffeur plus intéressé par cette fille aux allures distantes que par son passager. Quoique rapide, sa démarche doit sembler étrangement empruntée à un improbable observateur. Combien de milliers de spermatozoïdes une seule éjaculation libère-t-elle ? Dix mille, cent mille, beaucoup plus peut-être, et il suffit d’un seul pour… Normalement, les statistiques sont en sa faveur, mais elle continue de marcher, les cuisses serrées, le ventre contracté. Un seul, mais pourquoi pas celui-là, justement, qui aurait la mauvaise idée de vouloir s’évader ? Dans ce cas, c’est sûr, tout serait à recommencer. Ça, il n’en est pas question.
Quand même plusieurs semaines à attendre avant le prélèvement. Le temps de faire des milliers de fausses couches. Il y a des jours comme ça où elle aimerait bien être un peu plus vieille.
Elle lisse une mèche dont les pointes peinent à atteindre le menton, examine son reflet dans une vitrine. Se laisser pousser les cheveux… après tout, c’est peut-être pas une si mauvaise idée. »

Jaworski en approche (bis)

Deuxième extrait de Chasse royale, le prochain volume des « Rois du monde » de Jean-Philippe Jaworski, à paraître fin mai :

Cette fois, la douleur d’Ambigat a été spectaculaire. Elle a été terrible, elle a fait trembler toute la maison royale. De ses propres mains, il a mis à mort le cheval qui avait tué son fils. Il ne l’a pas sacrifié : il l’a massacré, écumant de rage, comme on abat un être abject. Il ne l’a ni mangé, ni brûlé, encore moins exposé comme un trophée, ni même donné en pâture à ses chiens : tout cela lui paraissait trop noble pour l’animal qui lui avait pris son enfant. À la hache et au couteau, il a équarri la carcasse. Les membres, il les a fait jeter dans les fossés du Gué d’Avara, au milieu des ordures. La tête, il l’a plongée dans un cuveau rempli d’urine du quartier des tanneurs. Mais cette boucherie était impuissante à apaiser sa souffrance. Alors il s’est armé en guerre, il s’est retourné contre ses serviteurs, il est entré dans sa propre maison comme dans une place ennemie. Il a abattu ses  chevaux, il a traqué ses serviteurs, tué trois valets d’écurie et un cocher qu’ils croyait responsables de l’accident. Nous l’avons tous laissé faire. La haute reine goûtait un réconfort amer dans la folie de son mari, peut-être  parce qu’elle découvrait, dans sa désolation, qu’il avait aimé leurs enfants.