Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre… Cette fois-ci, André-François Ruaud évoque la naissance d’un projet aussi fou qu’original : celui des « Artbooks féeriques ».
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En cette fin d’année, les Moutons électriques publient quatre livres comme ils n’en ont jamais fait : quatre petits livres d’art, et je dois dire que les avoir devant moi, au moment où je tape ces lignes, continue à m’enchanter et me surprendre tout à la fois. Du genre « ouaah c’est nous qui avons fait ça ? ». Un projet un peu fou, un peu hors-norme, et qui a une petite histoire…
Les projets éditoriaux n’ont pas forcément une source très simple. Dans ce cas précis, je peux cependant pointer du doigt les deux moments, les deux envies, dont ils naquirent. Tout d’abord il y avait notre grosse encyclopédie, le Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux : aussi illustré qu’il soit, et il l’est moultement, il restait encore tant et tant d’artistes à couvrir… comment le faire ? Et puis il y eut ma rencontre avec un graphiste bordelais, Philippe Poirier, qui s’avéra être collectionneur d’illustrations anciennes. Un jour que nous partions à un concert, il me confia sa passion pour l’illustrateur britannique William Heath Robinson et me suggéra de lui consacrer un beau livre. Au début, j’étais circonspect, le livre d’art ce n’était pas le domaine des Moutons, tu es sûr ? Et puis quand je lui rendis visite, ce fut moi qui fus sûr : devant l’étalage de tant de trésors, comment mon âme d’éditeur ne pouvait-elle pas palpiter d’envie ? Mais outre du William Heath Robinson à foison, l’ami graphiste possédait aussi beaucoup d’Edmund Dulac et d’Arthur Rackham. « Eh, Philippe, si on faisait non pas un, mais trois bouquins ? »
L’idée chemina, et inspiré par l’ancienne « petite collection » de chez Taschen, je décidai avec le chef de fab’ pour un petit format souple, pas trop cher à produire, mais néanmoins très esthétique. Le projet était tout de même bien fou, un peu trop pour nous à dire vrai, et un « crowdfunding » Ulule fut donc lancé, sans lequel nous n’aurions pas pu mener ce projet. Et puis, dans le cours de cette campagne de financement, l’option d’un quatrième volume fut avancée — je songeais à une monographie sur 5 ou 6 autres grands illustrateurs, mais intervint là notre amie Christine Luce, grande collectionneuse et autre fana de l’art illustratif. Son idée : prolonger le Panorama avec une sorte de mini encyclopédie de l’illustration féerique… Ce fut donc le volume Grands peintres féeriques, sur lequel elle travailla d’arrache-pied, avec toute une belle équipe de collaborateurs. Pour ma part, je m’attelai à la rédaction de trois biographies pour les trois autres volumes — gros et long travail, mine de rien —, avec en bonus une intervention de Xavier Mauméjean sur les machines de Robinson. Et puis les scans, et puis les scans, et puis les scans. Et les traitements d’images, et les mises en page… Un travail considérable, qui nous laissa pantelants, les yeux brûlants… mais heureux, au vu du résultat ! Assez fiers, même. Quatre volumes bourrés d’images splendides, de découvertes, d’émerveillement.