Sur « Un âge de cristal »

Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre… Cette fois-ci, le traducteur Luc Lavayssière nous explique pourquoi il s’est lancé dans le projet d’Un âge de cristal de W. H. Hudson, que nous publions en tirage limité

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J’ai été fasciné étant jeune par les films américains en noir et blanc adaptés des romans d’Herbert Georges Wells, dont La Machine à remonter le temps et sa société bucolique des Eloïs. J’ai été intrigué par La Ruche d’Hellstrom de Frank Herbert et sa description d’une société d’hommes-insectes où le groupe prime sur l’individu. Comment ne pas avoir été perturbé par ses sociétés décrites dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, où les êtres humains sont tous créés dans des laboratoires, ou encore dans 1984 de Georges Orwell, société de la surveillance et de la réduction des libertés. Utopies, dystopies ou contre-utopies, les genres s’entremêlent.

Qui n’a pas, un jour ou l’autre, lu un de ces romans ou vu un de ces films qui imagine le futur de notre société ? En ce qui concerne le genre utopie, société idéale où tout semble parfait, humanité accomplie, heureuse et juste, on retrouve principalement deux scénarii complètement opposés : un premier scénario ultra-technologique, l’aboutissement d’une science et d’une intelligence artificielle bienfaisante, et un deuxième scénario naturaliste, celui d’un retour aux sources, celui d’un équilibre harmonieux entre l’homme, le monde animal et le monde végétal. L’actualité de notre monde moderne oscille entre ces deux scénarii. William Henry Hudson dans Un âge de cristal penche complètement vers le deuxième, un scénario sylvestre et artistique où les hommes, la nature et les animaux vivent en harmonie, mais à quel prix ?

C’est en 2011, en effectuant des recherches archéo-littéraires sur les romans utopiques et dystopiques sur le site Internet de numérisation documentaire archive.org que j’ai découvert ce roman de W. H. Hudson, qui n’avait jamais été traduit en France. Pourquoi cette utopie n’avait-elle pas encore été traduite en France, alors que le roman de W. H. Hudson avait été publié à trois reprises, une première fois par T. Fisher Unwin en 1887 de façon anonyme, puis en 1906 sous le nom de l’auteur avec une introduction de lui-même, puis en 1916 avec une préface de Clifford Smyth, critique littéraire et rédacteur en chef du New York Times Book Review ?

Cette époque est celle des débuts de la fantasy avec William Morris qui écrit lui aussi une utopie en 1890, Nouvelles de nulle part, en réponse à l’utopie d’Edward Bellamy, Cent ans après ou l’An 2000, parue en 1888. Ce sont également les débuts de H. G. Wells, dont la popularité éclipsera quelque peu les autres romanciers, et écrira Une utopie moderne en 1905. Ce sont les succès de genre de William Morris et H. G. Wells qui auront sûrement incité l’éditeur T. Fisher Unwin a rééditer Un âge de cristal en 1906, préfacé par W. H. Hudson qui mentionne indirectement William Morris et H. G. Wells, et qui aura entre-temps trouvé une certaine notoriété avec les publications de nombreux ouvrages, dont Vertes demeures : roman de la forêt tropicale en 1904, son roman qui a eu le plus de succès, et qui a été adapté au cinéma par Mel Ferrer en 1959 avec Anthony Perkins et Audrey Hepburn dans les rôles principaux. Il était plus que temps de faire connaître son roman utopique, précurseur du genre, et son auteur, ornithologue, naturaliste et écrivain, membre fondateur de la Royal Society for the Protection of Birds, et contemporain de Charles Darwin.