Mais que lire ?

En ces temps difficiles, entre confinements et incertitudes, que lire ? Le boss ovin, André-François Ruaud, a rédigé le petit texte suivant…

Ce sera peut-être le seul et unique effet bénéfique de la crise inouïe que nous vivons : une percée de la lecture numérique en France, pays où les liseuses et les ePubs avaient jusqu’à présent eu plutôt du mal à s’imposer. Pour ma part, je le reconnais volontiers, je fus très vite séduit par ce nouveau mode de lecture : la légèreté de la liseuse, la possibilité d’agrandir les caractères, l’éclairage… Pour un absolu amoureux des livres en papier comme moi, et sans rien renier de ces derniers assurément, je fus le premier surpris des possibilités et du confort différent de la lecture numérique. Et en ces temps où il n’est plus possible d’expédier des livres papier ou de visiter une librairie, j’ai éprouvé l’envie de vous conseiller quelques titres de chez nous disponibles en numérique, une sélection parfaitement subjective et partielle…

Forcément, je pense aux nouveautés, dont la version papier demeure bloquée, mais dont la version numérique sortira tout de même (diffusion eDantès). Ayant accompagné pas à pas Les Canaux du Mitan d’Alex Nikolavitch, ce roman me tient très à cœur.

En tant qu’éditeurs, nous cherchons en permanence à pousser en avant de nouveaux auteurs ; et en tant que passionnés de fantasy, nous cherchons en permanence à renouveler le genre, afin qu’il ne s’épuise pas. Après Jean-Philippe Jaworski, Stefan Platteau et Nicolas Texier, nous parions particulièrement sur Alex Nikolavitch comme futur nom important des littératures de l’imaginaire : Trois coracles cinglaient vers le couchant inaugurait ce qui deviendra finalement une trilogie arthurienne. Avec Les Canaux du Mitan, il forge un nouvel univers, très neuf pour la fantasy : décors de grande plaine façon Far West (quelque part vers les films Sleepy Hollow et Dead Man), de canaux démesurés et de villes neuves (comme Boston ou New York au début du XXe siècle), le tout subtilement décalé, réinventé, sur fond de magies ancestrales. Tandis que les guerres magiques déchirent l’ancien continent, sur le nouveau continent tout reste à fonder, y compris un nouvel équilibre magique. Un tel imaginaire, que l’on peut qualifier de post-magique, c’est-à-dire situé après les grands conflits contre des méchants millénaires dont la fantasy classique est emplie, commence à peine à se développer, c’est certainement le premier exemple du genre en francophonie.

Quelqu’un d’autre en qui nous croyons vraiment beaucoup : Nelly Chadour. Après son étonnant Espérer le soleil, uchronie post-apo de fantasy urbaine avec des vampires (rien que ça !), elle a livré chez nos partenaires des Saisons de l’étrange un court roman intitulé Hante-voltige que j’estime rien moins qu’excellent. Situé en pleines années 80 à Paris et en banlieue, c’est entre horreur et polar une véritable baffe, des personnages originaux et attachants, et comme une petite musique à la Roland C. Wagner. Superbe et prenant.

Dans un tout autre style et par un « vétéran » reconnu des littératures de l’imaginaire, monsieur Christian Léourier. Nous avons eu l’immense plaisir de rééditer sa Planète inquiète, autrefois paru en « Ailleurs & Demain » (excusez du peu) et étrangement tombé entre les mailles du filet, un roman de science-fiction qui n’avait jamais été réédité. L’auteur l’a pas mal retravaillé, et le résultat me semble constituer une œuvre majeure du genre, carrément. Et ce n’est pas tous les jours que l’on « ressuscite » une œuvre majeure.

Allez, un petit dernier pour le confinement ? Au sein de nos publications, Les Papillons géomètres de Christine Luce fut fort remarqué, un roman pour le moment indépendant (nous ne cessons de demander à l’autrice de nous livrer un deuxième volume dans le même univers !), sur lequel je vais laisser s’exprimer l’un des meilleurs critiques actuels, François Angelier de l’émission « Mauvais genres » sur France Culture, qui dans Le Monde écrivit : « L’au-delà ne répond plus. Commence alors, dans les profondeurs et les replis de la métropole immense, une traque frénétique qui va mobiliser non seulement les capacités parapsychiques de la voyante, mais également les puissances de l’outre-monde. S’affrontent, en effet, tout au long du livre, dans les outre-fonds d’un Londres sombre et détrempé, les forces d’un réel historique prosaïque et préhensible, et des entités fluidiques voraces et omnipotentes. Tour à tour rivaux puis alliés, le monde des esprits et celui des hommes sont, au fil du récit, l’objet d’une violente tentative d’émulsion romanesque. Une fusion narrative ouvragée dans un style « préraphaélite », opulent et scintillant.
Cette sarabande, sur la ligne de crête séparant le visible et l’invisible, fait tout le soufre de ces Papillons géomètres libérés par la romancière Christine Luce. Auteure, jusqu’ici, d’un roman jeunesse, elle effectue là une incursion notable dans les horreurs sélectes du fantastique victorien, dont elle actionne les sortilèges et manipule les décors avec brio et efficacité. »

Tous nos livres numériques sont réunis sur cette page.

Prenez soin de vous, prenez garde à vous,