Yellow Submarine

Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre…

En 1983, les photocopieuses (notamment les Xerox) avaient fait des progrès considérables et il était soudain possible d’obtenir de très belles choses. C’est cette nouvelle donne technique qui m’a donné l’envie de réaliser mon propre fanzine. Un jour de mars 1983, je descends donc sur les quais de Bordeaux, non loin de la gare, et j’improvise dans une boutique de reprographie un petit fanzine de huit pages : deux pages pliées en deux, recto-verso. Avouons-le : plutôt que faire une revue, pour laquelle je n’avais encore aucun contenu, je voulais utiliser les possibilités d’impression, m’amuser avec… Même le titre fut improvisé : je n’étais  pas fan des Beatles, c’est juste ce qui m’est passé par la tête à ce moment-là, un titre à la connotation un peu guillerette. Simplement, je voulais qu’il y ait deux mots, pour que l’on puisse facilement l’abréger en deux lettres. De ce point de vue, Yellow Submarine (« YS ») était donc un bon titre, mais j’aurais tout aussi bien pu en choisir un autre… Et pourtant, 33 années plus tard figurez-vous que ce fanzine improvisé sur un coup de tête, il paraît toujours !

Au tout début, il s’agissait juste d’une sorte de « feuille d’infos » sur l’actualité de la SF, puis vers le n°13, on a commencé la formule mensuelle avec « interview-express » et chroniques de livres. Ensuite, aux alentours des numéros 70-80, on a voulu se consacrer à des articles un peu plus importants, plus charnus, à des articles de réflexion. Et surtout, je crois que nous commencions à savoir écrire. Pour donner un peu plus de corps à l’ensemble et assurer la pagination et le rythme de publication, j’avais tissé des partenariats avec des fanzines étrangers : Shards of Babel aux Pays-Bas ; Samizdat au Québec ; et un autre, anglais, Imagination. On s’échangeait du matériel. À noter que c’est à cette époque que j’ai gagné mon surnom de capitaine : c’est l’écrivain anglais Colin Greenland qui commença à m’appeler ainsi. Bref, je traduisais donc pas mal d’articles pour étoffer le fanzine, qui devenait une vraie revue de réflexion autour de la science-fiction. De son côté, Patrick Marcel avait lancé un équivalent fantastique d’YS : Manticora. Il y eut aussi quelques numéros spéciaux. Celui, par exemple, sur la fantasy, coédité avec Manticora. Ou celui sur Christine Renard, décédée en 1979, un écrivain que j’aimais beaucoup. J’avais rencontré son mari quelques temps avant son suicide, qui m’avait confié des documents et des textes inédits que nous avons pu publier. Nous avons réalisé aussi un numéro spécial sur Michel Jeury et un autre sur Serge Lehman. Nous devenions sérieux, quoi ! Au numéro 90, on commençait à véritablement avoir une revue étoffée, et avec la version dos carré, on arriva à quelque chose d’assez satisfaisant.

Et puis un petit éditeur, Étoiles Vives, me proposa d’intégrer le fanzine à sa ligne éditoriale — j’avais envisagé d’arrêter le fanzine, au lieu de quoi il devint un beau livre-revue distribué en librairie, et il continua sa carrière de façon sporadique, passant d’un éditeur à un autre… et aux Moutons électriques finalement. Entre-temps, j’en ai laissé la direction à mon excellent camarade Alexandre Mare, et il commence à révolutionner cette bonne vieille revue. Le n°137 vient de paraître, sur la frontière ténue entre fiction et réalité, et le n°138 devrait voir le jour en avril ou mai, sur la question du langage.

Il y a même une page Facebook, maintenant, c’est fou. C’est un comble : ce sous-marin s’est avéré être… insubmersible !