Mini interview : Julie Proust Tanguy

Nous avons eu l’idée  de poser une série de brèves questions à nos auteurs — et d’en distiller les réponses au fil des jours et des semaines.
– Un livre que vous lisez en ce moment

Night Witches, de Bruce Myles, un essai se lisant comme un roman, autour des femmes soviétiques s’étant engagées dans l’armée de l’air pendant la Seconde guerre mondiale. Fascinant. Des poèmes d’Angèle Vannier, une poétesse surréaliste qui écrivait pour compenser la perte précoce de sa vue – elle est devenue aveugle subitement à 22 ans. En fiction, j’ai lu il y a quelques jours le dernier Murakami, Le Meurtre du commandeur, ou la lente dérive d’un homme après son divorce, sa plongée vers son art véritable, ses rencontres avec des voisins étranges donnant lieu à des conversations d’une politesse exquise prenant parfois un détour mystique, son lent basculement vers le fantastique, vers ce que l’on croit être une histoire de fantômes et qui est, comme souvent chez Murakami, une manière d’évoquer les pouvoirs étranges de l’inconscient, de la neurologie, de l’Art.

– Un livre qui a changé votre vie
Il y en a tellement… Lequel choisir ? Quiet de Susan Cain (livre que je conseille à tous les introvertis) ? La Maison des feuilles de Danielewski (livre fou, terrible, labyrinthique, qui a changé ma manière de lire) ? Alice au pays des merveilles ? Le premier Pratchett que j’ai lu ?

Un livre que vous auriez aimé écrire

En fiction, The Ocean at the End of the Lane de Neil Gaiman – le parfait mélange d’enfance et de mélancolie. En essai, L’Ours histoire d’un roi déchu de Michel Pastoureau – l’arctophile en moi voue un culte à ce livre.

– Un livre qui a influencé votre propre écriture

Michel Pastoureau est une des références que j’ai en tête quand j’écris des essais : j’admire sa manière de conter le savoir et de transfermer l’art de la non-fiction en immersion calme, ludique, poétique.
– Un livre qui a changé votre manière de penser

Alice au pays des merveilles. Le monde merveilleux de l’absurde s’est ouvert à moi…
– Le dernier livre qui vous a fait pleurer

Le Syndrôme du varan
de Justine Niogret.

– Le dernier livre qui vous a fait rire

Les Fantômes du nouveau siècle – La Soupe aux arlequins de Jean-Philippe Depotte : la gouaille de l’héroïne est irrésistible (chez les Moutons électriques / Saisons de l’étrange).
– Un livre que vous n’avez pas pu terminer

Je finis toujours (même en grinçant des dents) ce que je lis – c’est instructif de lire en se demandant ce qui ne fonctionne pas pour soi-même et ce qui pourrait fonctionner sur d’autres.

– Un livre que vous offrez souvent

Jusqu’il y a peu, j’enseignais en collège et, à chaque fin d’année, pendant dix ans, j’ai organisé une cérémonie des récompenses pour les élèves ayant obtenu trois fois les félicitations et pour ceux dont on souhaitait saluer les efforts constants. Je ne sais pas combien de Neil Gaiman j’ai pu offrir, mais plusieurs centaines, sans doute ! Pas loin derrière, on trouve Serpentine de Mélanie Fazi, Transparences d’Ayerdhal (à égalité avec Demain une oasis), L’Épouse de bois de Terri Windling, Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes, Les Montagnes hallucinées d’HP Lovecraft, Ving-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig, Orgueil et Préjugés de Jane Austen et, pour les plus jeunes, Ma soeur est une sorcière de Diana Wynne Jones et Les Dieux s’amusent de Denis Lindon.

– Un livre que vous n’avez jamais lu

Je me suis promis de lire un jour Le Rameau d’or de James Frazer en entier, et pas seulement par extraits, comme j’ai pu le faire pour des recherches. Autre promesse : découvrir les œuvres de Claude Cahun, une femme que je ne connais pas fragments mais qui m’a tout l’air d’être extraordinaire. En SFFF, je tourne autour de La Bibliothèque de Mount Char, livre qui m’intrigue beaucoup !

– Votre tout premier souvenir de lecture

Je me souviens du moment où j’ai compris que je savais lire – mais plus du titre que je lisais alors, un petit album cartonné pour enfant à la couverture bleue. Je me souviens de l’impression de victoire et de l’excitation qui m’a submergée, vite suivies de l’envie de lire tous les livres de la bibliothèque de mes parents, qui étaient jusque là des objects sources de désir et de mystère. Et c’est exactement ce que j’ai fait – étendant mon « domaine » à la bibliothèque, aux librairies, etc. La voracité ne s’est jamais éteinte.