Mini interview : Nicolas Labarre

Dans le cadre du « Mois de l’imaginaire », nous avons eu l’idée  de poser une série de brèves questions à nos auteurs — et d’en distiller les réponses au fil des jours et des semaines. Nicolas Labarre sera en signature à la librairie du Contre-temps (Bordeaux, barrière de Bègles) vendredi 9 au soir.

– Un livre que vous lisez en ce moment

Men, Women and Chainsaw, de Carol Clover. C’est un des grands livres sur le cinéma d’horreur, et particulièrement sur les slashers. Je l’avais depuis un moment – avec sa hideuse couverture reprenant le visage de Leatherface dans des tons rouge et rose – mais je viens de me résoudre à l’ouvrir, et il est à la hauteur de sa réputation, avec une lecture militante mais nuancée du genre et de ses plaisirs.

– Un livre qui a changé votre vie

Je ne crois pas pouvoir ne citer qu’un seul livre. J’ai été transformé par Le Joyau noir, de Michael Moorcock, le premier livre du cycle d’Hawkmoon. Ce sont des romans écrits très vites et lus de la même manière. Je l’ai découvert au bon moment, je devais avoir douze ans, et j’en ai conçu une affection indéfectible pour Moorcock. Ensuite, tout Ballard, et particulièrement La Bonté des femmes, puis plusieurs Nabokov, dont Lolita et Ada, ou l’Ardeur.

– Un livre que vous auriez aimé écrire

The City and the City, de China Mieville. En réalité, il y a beaucoup de livres que j’aurais aimé écrire, pour de nombreuses raisons (l’idée de devenir honteusement riche en publiant un best-seller n’est pas déplaisante, par exemple), mais la perfection de l’idée des cités jumelles qui fonde ce livre-ci m’a rendu profondément envieux et admiratif, tout au fil de la lecture.

– Un livre qui a influencé votre propre écriture

Coraline, de Neil Gaiman. J’apprécie beaucoup les bandes dessinées de Gaiman, mais assez peu ses romans pour adultes ; il me semble qu’il trouve dans ses livres pour enfants et adolescents un équilibre délicat entre sophistication un peu distanciée et sens du merveilleux. Ses héros ont lu de la fiction, ils ne sont jamais candides, mais leur réticence initiale ne freine en rien le souffle du récit. Je pensais beaucoup à Coraline en particulier en écrivant L’Autre herbier.

– Un livre qui a changé votre manière de penser

Film/Genre, de Rick Altman. Un ouvrage universitaire qui fait le point sur la question des genres fictionnels et montrent comment ceux-ci se construisent au fil des discours croisés de tous les « utilisateurs » des textes (producteurs, auteurs, critiques et spectateurs). La grande force du livre est d’ancrer sa réflexion dans des exemples précis tirés de l’histoire du cinéma. Tous les arguments d’autorité visant à définir les limites des genres ou à en identifier les « bons » exemples font sourire après cette lecture.

– Le dernier livre qui vous a fait pleurer

Une biographie, sans doute. Je ne lis des biographies que lorsque la personne m’intéresse, et inévitablement, le héros meurt à la fin, après avoir vu ses capacités décliner inéluctablement.

– Le dernier livre qui vous a fait rire

La série des aventure d’Angela Tarabotti, Le Protectorat de l’ombrelle, de Gail Carriger. Je ne ris pas souvent devant des livres, mais j’ai beaucoup souri des querelles ménagères de l’héroïne sans âme et de son mari loup-garou. J’ai trouvé les romans inégaux, un peu répétitifs mais vraiment drôles lorsqu’ils s’attachaient à leurs personnages principaux, comme une version piquante et steampunk des comédies domestiques de la bande dessinée américaine des années 20 et 30.

– Un livre que vous n’avez pas pu terminer

Tous les livres avec des cordages et des voiles. La littérature de marine à voile du 19e siècle me donne des boutons, et chaque nouvelle tentative pour m’y replonger me le confirme.

– Un livre que vous offrez souvent

Les Chronolithes, de Robert Charles Wilson, constitue un cadeau de choix pour des lecteurs curieux mais pas particulièrement amateurs de science-fiction. Ce n’est sans doute pas le meilleur livre de l’auteur – disons qu’il s’agit de Spin, mais on pourrait discuter – mais c’est de loin celui dont le résumé est le plus alléchant, avec ses statues monumentales dévastant le monde pour annoncer un futur terrifiant.

– Un livre que vous n’avez jamais lu

Moby Dick, de Melville, car il y a beaucoup, beaucoup de cordages et de voiles dans Moby Dick.

– Votre tout premier souvenir de lecture

Fleur de Lupin, de Binette Schroeder, un livre aux illustrations magnifiques, avec ses volumes de papier et ses couleurs translucides, dont le texte m’enchante toujours et qui se conclut par ces mots : « Et les lupins se balancent doucement dans le vent de la nuit ».