Deuxième extrait de Chasse royale, le prochain volume des « Rois du monde » de Jean-Philippe Jaworski, à paraître fin mai :
Cette fois, la douleur d’Ambigat a été spectaculaire. Elle a été terrible, elle a fait trembler toute la maison royale. De ses propres mains, il a mis à mort le cheval qui avait tué son fils. Il ne l’a pas sacrifié : il l’a massacré, écumant de rage, comme on abat un être abject. Il ne l’a ni mangé, ni brûlé, encore moins exposé comme un trophée, ni même donné en pâture à ses chiens : tout cela lui paraissait trop noble pour l’animal qui lui avait pris son enfant. À la hache et au couteau, il a équarri la carcasse. Les membres, il les a fait jeter dans les fossés du Gué d’Avara, au milieu des ordures. La tête, il l’a plongée dans un cuveau rempli d’urine du quartier des tanneurs. Mais cette boucherie était impuissante à apaiser sa souffrance. Alors il s’est armé en guerre, il s’est retourné contre ses serviteurs, il est entré dans sa propre maison comme dans une place ennemie. Il a abattu ses chevaux, il a traqué ses serviteurs, tué trois valets d’écurie et un cocher qu’ils croyait responsables de l’accident. Nous l’avons tous laissé faire. La haute reine goûtait un réconfort amer dans la folie de son mari, peut-être parce qu’elle découvrait, dans sa désolation, qu’il avait aimé leurs enfants.