Roman court

J’aimerais soulever un point de classification de plus en plus arbitraire, il y va du salut public des gens de lettres, surtout dans l’imaginaire par trop inféodé au vocabulaire… anglo-saxon, et pas trop au fait des correspondances de l’anglais au français. Voyez ça comme une rectification qui rappellera les miles et les kilomètres. (Christine Luce)

Pour établir ma démonstration avec des exemples concrets, voici quelques titres célèbres de la littérature :

1 – L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, Robert Louis Stevenson
2 – Métamorphose, Franz Kafka
3 – L’Orange mécanique, Anthony Burgess
4 – La Ferme des animaux, George Orwell
5 – Le Vieil Homme et la Mer, Ernest Hemingway
6 – L’Étranger, Albert Camus
7 – Le Château d’Otrante, Horace Walpole

Pour chacun de ces textes, de quel format sont-ils à votre avis : nouvelle ou roman ?

Tentez de ne pas lire la suite avant de répondre ! Et ne cherchez pas plus loin que nouvelle ou roman, in french in ze texte. Décidez-vous entre ceci et cela.
Attention, je parle bien de format : la taille attendue pour l’impression, qui génère une convention générale, avant l’appréciation du texte, en tant que « chose écrite» sur laquelle on appuiera ensuite d’autres considérations, nombreuses, de variantes, de précisions, de techniques et analyses littéraires.

Bien, à présent, voici un récapitulatif des trois formats officiels en France depuis… à vue de nez, presque deux siècles :

– La nouvelle (notez tout de même que l’on parlait de conte, sans connotation féerique ou enfantine, auparavant)
– Le roman court
– Le roman

Aux États-Unis, en particulier, les formats sont :

– Novelette
– Novella
– Novel

Vous remarquerez immédiatement le champ lexical à partir de « novel » et tout se passait très bien pourtant, pour les correspondances d’une langue à l’autre :

– La nouvelle : novelette
– le roman court : novella
– le roman : novel

Même si les mesures fluctuaient légèrement, sinon ce n’est pas drôle, comme pour les autres unités de mesure, sans oublier la méthode de comptage : à la ligne, au mot, au signe. (la ligne ne se fait plus, mais je rappelle que l’expression « tirer à la ligne » (allonger la sauce du texte au maximum) signifiait beaucoup pour les écrivains payés justement à la ligne).

Notons que depuis, de part et d’autre, des formats ont été ajoutés, lesquels subdivisent les premiers : short story, micronouvelle, par exemple.
Notons aussi que certains amalgament la technique littéraire qui devrait caractériser la nouvelle et donc, rejettent la longueur du texte pour se concentrer sur des éléments bien incertains comme le nombre d’événements dans le texte ; un seul dans la nouvelle, par exemple, et concentré sur très peu de personnages, toujours un seul pour le roman court, mais avec plus de personnages, le roman en présenterait plus d’un. C’est tellement approximatif comme règle que je rougis pour ceux qui l’ont édictée. Tiens, combien y a-t-il d’évènements dans la Guerre des mondes de Wells ?

Peut-être arrivés ici, vous vous demandez où je veux en venir. Eh bien, à l’introduction de « novella » anglais dans notre vocabulaire franchouillard qui a, bien malgré lui, flanqué la pagaille, car trompé par sa construction, un paquet de gens ont oublié qu’il représentait « roman court » et pas du tout « nouvelle » qu’elle soit longue ou non. Et c’est un fameux bronx, je trouve, quand je vois tel ou tel texte naviguer au feeling de ceux qui qualifient les textes. Ce serait cool qu’ils accordent leurs violons s’ils tiennent à employer « novella » pour « roman court », lequel était catégorisé dans les romans, en France : une novella est un roman, d’abord !
Suis-je assez claire ? Ahem…

Les nouvelles font de quelques mots à 17 500 mots ou moins de 80 000 signes.

Les romans courts font entre 17 500 et 40 000 mots, de 80 000 à 250 000 signes (environ).

Les romans, eh bien, tout ce qui dépasse les 40 000 mots ou 250 000 signes.

Afin de clore le sujet, tous les titres célèbres cités plus haut sont des romans courts ou novella.

Je vous en donne la preuve (vérifiée aujourd’hui par comptage des textes en ligne exportés sur mon traitement de texte) de trois d’entre eux. Je n’ai pas cherché pour chacun, mais je vous invite à vérifier si vous êtes sceptiques.

L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, Robert Louis Stevenson : 163 000 signes, 27 000 mots
Métamorphose, Franz Kafka : 120 000 signes, 20 000 mots
Le Château d’Otrante, Horace Walpole : 195 000 signes, 34 970 mots

Pour la petite histoire, et pour expliquer les raisons qui ont présidé à la naissance du roman court // novella, c’est une question d’impression : ce format rendait la tâche difficile aux imprimeurs au XIXe siècle : « Sous 80 000 signes, le dos du livre devenait trop fin pour qu’on puisse y placer du texte, au-dessus de 250 000 signes, le prix n’était plus facilement accessible au public pour le produit livré. Les éditeurs se trouvaient devant un dilemme. » (Wikipédia) Et c’est effectivement les nouveaux genres qui ont principalement créé ce format appelé roman court // novella : le gothique, le polar, la SF et le fantastique.

Dédicaces

Cette fois, on dirait bien que le monde s’ouvre à nouveau… Ce samedi 12 juin, petit-déjeuner avec des éditeurs chez la librairie Georges (Talence), en présence d’Erwan Cherel et André-François Ruaud des Moutons électriques. Le vendredi 18 juin à 19h30, dédicace de Daylon pour son roman Mécaniques sauvages (Courant alternatif) chez Charybde (Paris). Et le vendredi 25 juin à partir de 19h, c’est la fiesta à Conflans-Saint-Honorine (sur le quai des Martyrs de la Résistance), avec dédicaces de Melchior Ascaride, Nelly Chadour, Alex Nikolavitch et Nicolas Texier !

Juin 2021

Juin déjà et soudain une lueur de vie normale semble briller à nouveau devant nos yeux… Sortirons-nous de ce long tunnel de bientôt dix-huit mois ? En tout cas, les Moutons électriques font de leur mieux pour l’éclairer de soleil et d’espoir pendant vos lectures. Cette année demeure pour nous celle des «  écotopies  », des fictions se projetant dans des sociétés alternatives, pacifistes et écologistes !

Notre grand titre dans cette voie : Lisière du Pacifique, un roman inédit de Kim Stanley Robinson, incontournable auteur best-seller de la science-fiction. Dans un monde qui s’emploie à redécouvrir l’harmonie avec la nature, la petite ville d’El Modena, en Californie, revêt l’aspect d’une utopie sociale et écologique. Pourtant, Kevin Claiborne, jeune architecte et constructeur qui a grandi dans ce monde plus vert, est impliqué dans une lutte afin de préserver la vie équilibrée de sa communauté en proie aux tentations d’exploitation et de corruption. Entre polar, projection politique et science-fiction utopiste, un jalon important dans l’œuvre de Kim Stanley Robinson et un roman majeur de la fiction écologiste.

Non content d’inscrire le nom fameux de Robinson à notre catalogue, nous y ajoutons ce mois-ci celui de LA grande dame des lettres spéculatives : Ursula Le Guin. L’Œil du héron rejoint la collection de poche Hélios, un court roman peu connu dans lequel deux modèles sociaux, dont l’un utopiste, s’affrontent sur le thème de l’Éternel Retour.

Chez nous, juin fête aussi le polar : avec tout d’abord un beau pavé de 976 pages par Jean-Philippe Depotte, Les Fantômes du Nouveau siècle, réunissant rien moins que 4 romans (dont deux inédits) et une nouvelle (inédite également), dans le Paris 1900 de l’Exposition universelle. Caustique, fantastique et plein de suspense, du polar destiné aux amateurs des « Grands détectives » de 10/18.

Et puis le retour d’un « long seller » de notre catalogue, l’anthologie des Détectives rétro : 13 nouvelles issues de sources rares, datant de l’âge d’or du roman policier. De nombreux détectives marchèrent sur les traces de Sherlock Holmes à cette époque, mais afin de s’en distancier et marquer leur originalité, leurs caractéristiques se firent de plus en plus excentriques. Naquirent ainsi des détectives de l’étrange ! (chasseurs de fantômes et de crimes impossibles), des détectives ferroviaires, des détectives milliardaires, des détectives ratés, des détectives cambrioleurs…)