Imaginales 2022

Cette semaine, du 19 au 22 mai, se tient à Épinal la 20e édition des Imaginales, ce festival bien connu des passionnés et passionnées d’imaginaire sous toutes ses formes.

L’occasion de retrouver toute une ribambelette – contraction arbitraire de « ribambelle » et « brochette » – de talents ovins, et d’y faire signer vos ouvrages préférés avec : Melchior Ascaride, Basile Cendre, Nelly Chadour, Sara Doke, Nicolas Texier, Stefan Platteau, Jean-Philippe Jaworski, Christophe Gros-Dubois, Alex Nikolavitch, Julien Heylbroeck, ou encore et pas des moindres, Abubakar Adam Ibrahim.

La Montagne aux licornes

Le roman majeur de Michael Bishop, La Montagne aux licornes,
paraît sous notre label Le Bateau-feu,
et son traducteur Patrick Marcel nous livre son sentiment…

Demain sort en librairie le livre de Michael Bishop, LA MONTAGNE AUX LICORNES. Bishop est un des auteurs que j’aime bien et que je suis, dans ses trop rares parutions. Quand UNICORN MOUNTAIN est sorti, en 1985, la date à laquelle se situe l’action, j’avoue que je l’ai commandé aussitôt, en partie avec une sortie d’attente horrifiée. Résumée à sa plus simple expression, l’intrigue avait de quoi interroger: dans un ranch du Colorado où vient d’être recueilli un jeune homme en train de mourir du sida, depuis quelques années, on voit passer des licornes. Des vraies.

En 1985, la montée du sida (qu’on écrivait SIDA, puisque c’est au départ un acronyme) n’était pas du tout un sujet de plaisanterie. Les gens mouraient de façon rapide et horrible, sans l’ombre d’un remède, sinon quelques médications qui retardaient un peu l’inéluctable. Ça s’est amélioré depuis, mais quand je vois les gens se plaindre qu’on n’a pas été capable de trouver un vaccin définitif contre le Covid en trois ans, je souris jaune.
Bref. En traiter dans un roman de fantasy moderne doté de ce qui est sans doute le plus léger des animaux du bestiaire merveilleux, ça semblait appeler la faute de goût et j’avais vraiment peur du clash fatal. J’ai dévoré le bouquin et j’ai été rassuré. C’est un drôle de roman, qui mélange de façons inattendues et finalement liées par des correspondances multiples des choses aussi disparates que le sida, la défense de l’identité et des croyances amérindiennes, l’homophobie, le merveilleux chrétien, une sorte de fantasy dickienne véhiculée par la télé, un fantôme vengeur et des licornes.

Ce n’est pas un bouquin facile – Michael Bishop l’a un peu révisé dans la version qui sort ici. Je n’ai pas de souvenir précis de la version de 1985, mais il y a des incises de pensée chez les personnages qui s’apparentent un peu au flux de conscience, par exemple. Mais c’est surtout que le livre prend un sujet et le suit, sans chercher à donner de leçons, préciser le bien et le mal. Il y a des personnages très sympathiques qui sont capables d’être pénibles ou d’être tentés par une pensée monstrueuse (je pense à Libby qui peu après une réflexion choquante a un geste spontané totalement bouleversant), d’autres qui sont des crapules mais ont presque à leur insu des pulsions décentes, des préjugés donnés comme tels qui peuvent être purement sans malice ou totalement ignobles, un fantastique qui est accepté dans ses manifestations syncrétiques les plus improbables, des symboles et des parallèles qui interrogent sans pour autant être réduits à des métaphores. Et un fil conducteur qui court à travers des gens normaux dont les soucis premiers sont leur vie (voire leur survie) au jour le jour, les bêtes qu’on doit soigner, les relations personnelles. Et la recherche, sans illusion mais pas forcément en vain, d’une impossible transcendance.

Pour moi, c’est un grand, grand bouquin. C’est aussi un livre difficile à définir, qui part dans tous les sens tout en restant cohérent.

Vous verrez bien.

Engagements

SOS Terre et Mer & Prépare la paix, des faits, des engagements :
– Deux anthologies entièrement bénévoles en faveur de l’ONG SOS Méditerranée, portée elle-même par le volontariat de ses membres dans l’objectif de sauver des vies.
– plus de 45 personnes ont offert leur temps, leurs talents et leurs compétences pour réaliser ces deux livres : 25 nouvellistes, 15 graphistes, 3 correcteurs et correctrice, 1 traductrice, 1 maquettiste, 1 accompagnatrice littéraire, 1 logisticien, 3 éditeurs, dont certains ont cumulé les actions.
– 514 souscriptions ont permis aux anthologies d’exister et à l’«Ocean Viking» de naviguer un petit peu plus.
– Les livres sont maintenus en vente pour alimenter modestement les dons à l’ONG depuis maintenant 2018. Sont disponibles :
Prépare la paix, tirage de tête : https://www.moutons-electriques.fr/prepare-la-paix-tdt
– Nous ne sommes pas les seuls à nous engager dans l’imaginaire, heureusement ! Jacques Tardi a reversé à SOS Méditerranée l’intégralité du prix Einhard Preis 2021 pour la BD qu’il a reçu le 12 mars 2022. « En tant qu’artistes, c’est la solidarité qu’il faut essayer de stimuler parmi nos semblables. C’est une action directe et universelle : sauver des vies. », a-t-il dit. (https://www.sosmediterranee.fr/…/3-questions-tardi-grange)
Avec nos amitiés solidaires, l’équipe :
Jayaprakash Satyamurthy, Alice Ray, Christine Luce, Patrick K. Dewdney, Ceryan Dau, Christophe Gros-Dubois, Sushina Lagouje, Camille Leboulanger, Nelly Chadour, Olav Koulikov, Bénédicte Coudière, Ariel Holzl, Élisabeth Ebory, Vincent Mondiot, Basile Cendre, Robert Darvel, Dominique Douay, Julien Heylbroeck, Jean-Philippe Jaworski, Nicolas Le Breton, Guillaume Parodi, Stefan Platteau, Bruno Pochesci, Ketty Steward, Brice Tarvel, Dominique Warfa, Melchior Ascaride, Mérédith Debaque, Jef Benech’, Cindy Canévet, Philippe Caza, Cassandre de Delphes, Émile Fitz, Fred Grivaud, Amandine Labarre, Hélène Larbaigt, Arnaud S. Maniak, Jeam Tag, Tanxx, Joseph Vernot, Willoz, Samuel Minne, Béatrice Candy-Bercetche, André-François Ruaud, Roman Debaque.

Mai 2022

En mai nous faisons ce qu’il nous plaît, à savoir lancer une nouvelle collection : le « Bateau-feu » ! Un label sous le signe du réalisme magique, du surréalisme et du fantastique social, donc à la croisée des genres et des cultures, pour des textes qui méritent des superlatifs, osons le dire.

Un label qui débute en fanfare avec La Montagne aux licornes de Michael Bishop. Il s’agit sans doute du chef-d’œuvre de ce grand auteur trop négligé en France, qui a touché aussi bien à tous les genres. Mythes américains, troubles dickiens du réel et années sida : Colorado, Amérindiens, télévision, publicité et cause LGBT, cet immense roman qui a obtenu le prestigieux prix Mythopoeic est enfin traduit en France.

Au cœur de notre projet est de proposer du réalisme magique nord-américain, un genre curieusement peu connu en France en regard du genre sud-américain. Nouvelliste reconnu comme l’un des meilleurs de sa génération aux États-Unis, professeur d’ateliers d’écriture, Jack Cady (1932-2004) entendait poursuivre la voie d’une littérature d’inspiration purement étasunienne, en creusant les mythes de ce continent et de cette culture. Ainsi de cette road story, La Nuit où nous avons enterré Road Dog, qui obtint un prix Nebula. Les fantômes de la route s’y incarnent, en un récit qui séduira tous les lecteurs de la fiction américaine façon éditions Gallmeister, le fantastique en plus.

Enfin, avec La Promesse des lampions, le grand chantre des féeries, Pierre Dubois, enchante le réel de son Nord. Une pépite de réalisme magique, un roman adulte et enchanté, sombre et ancré dans les corons et les terrils. Langue gourmande et enchantement du quotidien pour un court roman d’une formidable beauté : tout le talent d’un raconteur d’exception.

Et pendant que nous sommes dans l’enchantement du réel, n’oublions pas la sortie sous notre label « Courant alternatif » des Arbres qui murmurent d’Abubakar Adam Ibrahim, écrivain nigérian que vous pourrez exceptionnellement rencontrer aux Imaginales. Un portrait en douze tableaux d’une société nigériane dont il entremêle réalité et imaginaire, pour mieux parler du présent, de ses limites, et de ses contradictions.