Rite de passage, un livre intime, par André-François Ruaud

Rite de passag
Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre…
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IL Y A DES ROMANS QUI SONT « CULTES », de ceux que l’on relit de manière régulière, pendant des années, et auxquels l’on revient toujours. Il peut s’agir d’un roman célèbre, d’une grande œuvre du genre du Seigneur des Anneaux, de Dune, des Jane Austen ou des Harry Potter, par exemple. Dans d’autres cas, il s’agit de textes qui peuvent nous être plus personnels, qui nous parlent intimement, un petit peu comme si ce roman précis n’avait été écrit que pour nous.

En ce qui me concerne, le rapport à ces livres « intimes » se prolonge souvent par un désir d’en être l’éditeur, et lorsque c’est possible, il s’agit d’une jolie victoire, de la réalisation d’un rêve de jeunesse… C’est le cas par exemple de Rite de passage, un roman américain de science-fiction qui obtint le prix Nebula en 1968. Son auteur, Alexei Panshin, n’a pas fait une immense carrière : après ce premier succès, il débuta une série de space opera à la fois dandy et humoristique, les aventures d’Anthony Villier — mais soit que l’auteur s’en lassa, soit que le succès commercial ne fut guère au rendez-vous, en tout cas après trois tomes, le quatrième titre, annoncé, ne vit pas le jour et Alexei Panshin cessa d’écrire de la fiction pour se consacrer surtout à une activité d’essayiste. Pour ma part, ayant découvert ce roman vers mes 20 ans dans sa traduction chez Opta « Galaxies Bis », j’ai immédiatement été touché par la voix ô combien naturelle et humaine de sa protagoniste, l’atmosphère réaliste d’une intrigue pourtant située à bord d’un immense vaisseau spatial…

Et je n’ai plus cessé de revenir à ce roman, de temps en temps.

Triste qu’il n’ait jamais été réédité, je l’ai chroniqué dans une revue, puis lui ai consacré une part de chapitre de ma grosse étude Space Opera !, avant d’encore y revenir en postface d’un roman de Brian Aldiss dont j’avais eu l’occasion de réviser la traduction pour Folio-SF, Croisière sans escale, sur le même thème des vaisseaux générationnels.

Et puis voilà : les Moutons électriques s’étant lancés avec nos collègues ActuSF et Mnémos dans l’aventure d’une collection au format de poche, Hélios, j’ai soudain réalisé que l’occasion était belle de devenir moi-même l’éditeur de ce roman tant aimé. L’auteur accepta tout de suite, et… il s’avéra que la vieille traduction n’était pas franchement d’un très bon niveau, il fallait absolument la réviser, ce que fit une proche collaboratrice. C’est hélas presque systématique avec ces vieilles traductions, les éditeurs de SF d’antan ne s’embarrassaient pas vraiment de qualité et de fidélité textuelle. Enfin, voici : Rite de passage d’Alexei Panshin est le n°52 d’Hélios !

André-François Ruaud
Un extrait en ligne ici : https://issuu.com/helioscollection/docs/extrait_riteSur notre site : http://www.moutons-electriques.fr/livre-396

Juin 2016

En cette fin de printemps, un prix vient d’être remis qui nous fait particulièrement chaud au cœur : notre graphiste principal, Melchior Ascaride, a obtenu le prix Imaginales 2016 « pour l’identité graphique des Moutons électriques » (bravo !). Après toutes ces années à défendre des couvertures qui sortent de la tradition d’illustration pour aller vers le graphisme, ce prix vient comme une validation de cette approche esthétique qui nous est chère. Et tenez, nos quatre dernières nouveautés portent toutes des couvertures du sieur Ascaride.

Bordée de tentacules, celle du Eschatôn d’Alex Nikolavitch met bien en valeur le fait que le premier roman de ce scénariste et traducteur de BD relève à la fois du space opera et du « lovecraftien ». Aventures et métaphysique s’y mêlent comme il se doit, avec une très belle réflexion sur le fanatisme religieux et la manière dont il modèle gens et sociétés. Cathédrales volantes, moines soldats, fantastique et monstres d’outre-espace : le souffle de la grande aventure !

D’une dominante sépia et hantée de dirigeables, la couverture des Cœurs enchaînés de Nicolas Le Breton dit bien l’appartenance de ce roman au sous-genre du steampunk. Cette suite et fin du diptyque « Pax Germanica », commencé avec Les Âmes Envolées/ (paru en 2014), suit l’épopée d’un dirigeable où l’équipage mêle figures historiques et personnages de fiction. Entre roman de piraterie et uchronie, ce cycle se situe dans un monde où l’automobile n’a jamais été inventée et où les Zeppelins de l’Alliance Objective règnent et terrorisent : frénétique et époustouflant !

Du bleu translucide de la glace, la couverture de L’Épée de l’hiver de Marta Randall est celle d’un roman culte, un  « classique mineur » de la fantasy américaine. Empli de faux semblants et tout en demi teintes, il s’agit d’un très beau huis clos dans une forteresse encerclée par l’hiver. Un roman un peu oublié que nous avions à cœur de faire redécouvrir dans un contexte où la « fantasy dynastique » à la Game of Thrones connaît un immense succès, et ce dans une traduction révisée.

Et puis un ours sur grand fond de neige couvre Shakti, la suite de la série des « Sentiers des Astres » de Stefan Platteau, ô combien attendue et qui fait déjà un démarrage magistral. L’on s’y s’attache à la fois au destin des membres de la gabarre, qui poursuivent leur progression, et au récit d’une vie : dans le premier tome, il s’agissait de l’existence du demi-dieu Manesh ; cette fois, l’auteur commence à nous raconter la vie de la courtisane Shakti. Rarement une plume de fantasy aura été aussi lyrique, profonde et forte.