Nous avons proposé à nos auteurs et collaborateurs de rédiger, s’ils le veulent, un court texte donnant un conseil de lecture genre « comfort books » pour le confinement, que l’on distillera au fil des jours…
Au tour de Annaïg Houesnard.
Un comfort book ? Un comfort book, alors, mais qu’est-ce donc au juste ? On dirait que le terme s’applique mieux à ces livres qu’on peut relire sans se lasser, non pas tant pour leur histoire, qu’on connaît déjà, mais pour se replonger dans l’atmosphère bien particulière dont ils sont imprégnés. L’un de ces rares élus est The Elfin Ship de James P. Blaylock, ou Le Vaisseau elfique dans sa superbe traduction de Pierre-Paul Durastanti.
L’auteur lui-même s’est avoué incapable d’écrire un autre livre dans cette ambiance si spéciale (bien qu’il fasse partie d’une trilogie, celle de l’Oriel), qui emprunte un peu au Vent dans les Saules, un peu à Tom Sawyer, pour produire une perle méconnue de la fantasy. Son héros Jonathan Bing est un fromager, d’âge moyen dirons-nous (je sais, ça surprend), doté de deux compagnons farfelus à des degrés divers et d’un chien nommé Achab. Dans leur voyage en radeau, il sera question d’un fameux baril de cornichons à l’aneth, de camelots, de cadeaux elfiques, de café odorant, d’un nain maléfique qui arpente les campagnes la pipe au bec, de squelettes, de gobelins, et bien sûr de fromages. Une sorte de Trois hommes dans un bateau (jusqu’au chien), dont le Vaisseau elfique possède le même détachement ironique tout britannique (belle performance pour un auteur californien) – mais où vous risquez fort de croiser des trolls sur la rive. Et franchement, qui ne rêve pas de croiser des trolls ? Dénoncez-vous. Mais surtout, lisez-le d’abord, c’est mieux.