Un mot des éditeurs

Beaucoup d’éditeurs s’expriment, un syndicat des indépendants s’esquisse peut-être, le président de notre pays n’a pas dit un mot du domaine du livre dans sa dernière intervention, la Poste continue à faire la sourde oreille devant les demandes de création d’un tarif spécifique pour le livre…

Parmi eux, quelle parole ajouter  ? Eh bien, par exemple, comme pour beaucoup, le constat de la surproduction de livres. L’un de ses effets est de réduire, au sein de nos genres, les chances des textes un peu différents — les expérimentaux, les excentriques, les divertissements plus confidentiels — et de ceux qui se contentent avec bonheur de raconter une bonne histoire. Tous apportent à la littérature de l’imaginaire des textures et des plaisirs nécessaires à sa richesse culturelle. Malheureusement, ces romans, nous ne parvenons plus à bien les «  porter  », à leur offrir un lectorat satisfaisant, et, il faut l’avouer, à les rentabiliser. Contraints de les écarter, nous abdiquons chaque fois à regret.

Ce drame silencieux s’explique en partie par la position délicate de l’imaginaire dans les librairies indépendantes non spécialisées. Nos livres n’y trouvent pas toujours leur place, faute à une tradition française qui a longtemps rejeté les littératures de genre : les libraires manquent parfois d’expérience pour aborder nos productions, pour en comprendre les enjeux. Nous souhaitons améliorer notre dialogue avec eux, il s’agira même de notre chantier numéro un : parvenir à séduire un peu plus ces belles petites librairies qui, pour l’instant, demeurent closes à nos éditions, et accompagner leurs libraires dans ce territoire, celui des littératures de l’imaginaire.

Il y a des stratégies possibles, nous y réfléchissons.

Surproduction, ce ne sera pas chez nous le cas en cette fin d’année, avec l’abandon de deux livres (hélas) et le report de 7 autres d’un an ou plus. Et nous avons restructuré dans la foulée notre programme 2021 — nous verrons encore à l’aménager s’il le faut. Pour autant, dans l’incertitude et l’anxiété, veillant tant que nous le pouvons d’être à jour des paiements de nos auteurs, collaborateurs et imprimeurs, nous veillons également à continuer de rêver, d’imaginer, de nous projeter vers le futur.

Même s’il s’agit d’un pari risqué, nous investissons encore : achat des droits poche de deux grandes utopies contemporaines, L‘Univers-ombre de Michel Jeury et Transit de Pierre Pelot ; achat et traduction en cours d’un chef-d’œuvre de la fiction écologique, Pacific Edge de Kim Stanley Robinson, resté inédit chez nous car écarté pour raisons politiques ; achat des droits poche d’un roman fou et rebelle d’afro-futurisme, Les Dévastés de JJ Amaworo Wilson ; achat et traduction en cours d’une fantasy urbaine à la fois post-apo et utopiste, La Ville peu de temps après de Pat Murphy ; construction d’une nouvelle collection ; recherches graphiques avec Daylon (de retour !) et avec Melchior Ascaride ; négociations et contrats pour la reprise en Omnibus Voltaïque du cycle majeur d’Élisabeth Vonarburg, Tyranaël ; et également du côté du Québec, pour l’édition française du deuxième roman d’une autrice d’origine amérindienne ; accompagnement de plusieurs futurs volumes de notre « Bibliothèque dessinée » (avec au graphisme des noms comme Greg Vezon, David De Thuin, Melchior Ascaride) ; et bien sûr, accompagnement encore et toujours de nos auteurs, réguliers ou nouveaux, qui triment actuellement sur leurs romans…

Notre futur sera lumineux : promis.

André, Christine, Melchior, Mérédith & Vivian

Expéditions

Merci pour votre soutien durant le confinement : vous avez été nombreux à commander par correspondance. Bien qu’en zone rouge, notre chargé d’expéditions s’est lancé dans les préparations et expéditions dès la fin du confinement, et notre logisticien parisien aussi. Tout est maintenant en cours d’acheminement. Merci de votre compréhension et de votre patience.

Mai 2020

Merci pour votre soutien durant le confinement : vous avez été nombreux à commander par correspondance. Bien qu’en zone rouge, notre chargé d’expéditions s’est lancé dans les préparations et les envois, et notre logisticien parisien aussi. Tout est maintenant en cours d’acheminement. Merci de votre compréhension et de votre patience.

En ces temps de grande incertitude, chaque décision est un pari qui engage l’avenir. Comme toutes les petites entreprises culturelles, nous subissons cette loi et tâchons de naviguer à vue. Pour le moment, les Moutons électriques paraissent rester solides financièrement parlant ; une situation qui peut toujours basculer, par exemple en cas de deuxième période de confinement, mais notre équipe s’efforce de contrôler ce qui peut l’être. Hauts les cœurs et toutes ces sortes de choses…

Nous avons bien entendu entièrement reconstruit notre programme de juin à décembre — en l’allégeant considérablement : deux annulations et beaucoup de reports de titres sur un ou deux ans. Nous sommes également en train de reconstruire notre programme 2021, avec une accélération de certains changements que nous voulions faire — on en discutera bientôt, promis. Eh oui, nous cogitons et nous rêvons : c’est plus que jamais nécessaire ! Votre soutien, chers lecteurs, est formidable. Ça fait chaud au cœur, ne le cachons pas. Et bien entendu il y a les libraires, qui ne vont plus trop tarder à rouvrir, dans des conditions encore passablement inconnues, nous pensons également beaucoup à eux.

Notre diffuseur-distributeur MD / MDS reprend ses activités. En priorité, vont être envoyés en librairie les livres déjà imprimés et qui étaient déjà préparés en cartons fin mars. Pour nous, cela signifie que vont donc enfin sortir, d’ici la fin mai : l’événement que nous avions prévu, à savoir le cycle de la Comédie inhumaine par Michel Pagel (huit romans et recueils + deux textes complémentaires jamais parus en librairie, le tout revu par l’auteur). Ce sont nos deux premiers « omnibus Voltaïque », et ils pèsent 960 et 912 pages respectivement, excusez du peu. Design graphique par Melchior Ascaride, bord des pages peint en noir. Aussi : Michel Pagel encore, cette fois en petit format : Orages en terre de France est réédité en poche Hélios. Une autre pépite de cet auteur majeur des littératures de l’imaginaire, une uchronie brutale et bouleversante dans une France ravagée par une Guerre de cent ans qui ne s’est jamais terminée. Et Le Chiffre de Cthulhu de Brian Stableford. Une deuxième enquête pour le grand détective Charles Auguste Dupin, emplie d’un imaginaire riche et tumultueux.

Pour une fantasy autre ?

Vous le savez, nous aimons la fantasy, et nous adorons réfléchir sur nos genres. Alors, folie du confinement, nous avons cogité un peu à la manière dont l’on pourrait peut-être commencer à esquisser une fantasy du « monde d’après »…
Une simple interrogation, rien de plus.

Notre monde humain doit évoluer, et il nous l’apprend avec une rude secousse. Et si nous l’assistions modestement en créant une fantasy pour les jours d’après l’ébranlement de nos sociétés ?
À une époque de militance écologique, sociale, raciale, féministe et LGBT, la fantasy traditionnelle, attachée aux contes de fées du XVIIIe siècle et aux romans médiévaux, s’éloigne un peu de nos rêves d’enchantement. Et si la fantasy dépassait cette tradition d’élus, de princesses et de chevaliers, et qu’elle se dépouillait parfois des politiques féodales, des gloires meurtrières et des intrigues à la cour ?
Quand nous aspirons à la reconnaissance des diversités et à l’abolition des privilèges, si la fantasy relevait le défi de la démocratie et créait de nouvelles légendes, plus proches de nos rêves d’aujourd’hui ?
Et si vous les écriviez ?
Notre monde devra découvrir de nouveaux paradigmes après la sortie du confinement, il nous semble que la littérature de fantasy doit aussi l’accompagner dans son évolution.

L’équipe des Moutons électriques