Le plus ancien fanzine de France, Yellow Submarine, vient de faire sortir son nouveau et fort ventru numéro, le 142e, consacré à des archives inédites de l’écrivain Roland C. Wagner. L’éditeur raconte…
Roland s’est mis à écrire dés son plus jeune âge, en véritable machine à produire du texte et à cogiter des univers entiers. Cette capacité prodigieuse à écrire de la science-fiction alors qu’il était encore adolescent, elle se traduisit en un nombre non moins remarquable de manuscrits, achevés ou pas — le jeune Roland se trouvait alors véritablement en ébullition, il bâtissait tout son imaginaire.
L’ayant connu quand nous étions dans la petite vingtaine, en compagnie de Michel Pagel, j’avais vaguement le souvenir d’histoires sur la ville dystopique de Hellstadt et d’un personnage plus grand que nature anagramiquement nommé Ronald Rengaw, mais à l’époque (au début des années 1980) ce n’était plus d’actualité pour Roland, qui travaillait et retravaillait sur son « Histoire du Futur Proche », le roman Le Paysage déchiré (dont existe plusieurs versions complètement différentes), ainsi que sur le concept du Faisceau chromatique, sans parler de ce qui devint la trilogie Poupée aux yeux morts… Boulimique, Roland enchaînait alors les nouvelles pour tous les fanzines, des tonnes d’articles aussi (il remplissait presque à lui seul, sous plein de pseudonymes, le fanzine angevin Vopaliec SF), écrivait également avec ses copains Michel Ruf (plusieurs projets inaboutis), Michel Pagel (une novella au sommaire de l’anthologie de chez J’ai Lu, Univers) ou Alain Paris (qui lui permit d’accéder enfin au statut d’auteur publié au Fleuve Noir, son grand rêve)…
Franchement, je ne pensais pas revoir les manuscrits de cette époque, et encore moins de ses années d’adolescence… Et pourtant, ces dernières années des archives éparpillées trouvèrent le chemin de Bordeaux : le grand collectionneur béarnais Francis Saint-Martin s’était vu confié par Roland une pile de manuscrits, qu’il me prêta à son tour ; sa veuve Sylvie Denis me laissa fouiller dans l’ordi de Roland et dans des piles de cartons ; et enfin, sa première compagne, Cathy, et leur fille Natacha, m’apprirent que des tas de manuscrits avaient été laissé par Roland chez sa mère à Clamart, dans l’appartement de son enfance ; manuscrits ensuite transférés chez la maman de Cathy dans le Tarn, à deux pas de chez Michel Pagel : elles nous apportèrent cette manne un été !
Des archives débordantes, littéralement : une caisse avait été renversée, toutes les pages mélangées ; d’autres avaient été un peu mouillées… Une folie, comment trier cela ? Eh bien, une victime fut désignée : Maxime Gendron, apprenti chez les Moutons électriques, se vit confier à la fois le tri des archives, leur numérisation, et tant qu’à faire, la direction de Yellow Submarine afin de poursuivre la série des « Dossiers » entamée par trois volumes où je réunissais les articles, interviews, parodies, chroniques etc. de Roland.
Maxime produisit un premier dossier, sur le cycle de Hellstadt, et voici le pavé-monstre, le cycle de Ronald Rewgaw, incroyable plongée au cœur de l’imaginaire en construction d’un jeune auteur qui devint la voix majeure de la SF que l’on sait.