Lectures réconfort 8

Nous avons proposé à nos auteurs et collaborateurs de rédiger, s’ils le veulent, un court texte donnant un conseil de lecture genre « comfort books » pour le confinement, que l’on distillera au fil des jours…
Au tour de Nicolas Le Breton.

Mon livre-doudou en ce moment de confinement ? L’Île Mystérieuse, de Jules Verne. Quoi de mieux en effet que les évocations des vastes horizons quand on ne peut s’évader de chez soi ? Et puis, retrouver un temps où tout n’était pas encore découvert, où tout n’était pas encore pollué et souillé… Un temps où la compagnie des hommes est univoque aussi, où l’on n’est que bravoure, endurance et esprit d’entraide. Cela n’a pas bien vieilli du tout par certains côtés (le bon serviteur africain qui pleure son maître et ne peut imaginer vivre sans lui…), évidemment. Mais ces aspects mis à part, c’est une plongée dans un monde qui semblait, alors, plus vaste, et où les lumières de la science et de la raison semblaient des fanaux que rien n’empêcherait de triompher…

Lectures réconfort 7

Nous avons proposé à nos auteurs et collaborateurs de rédiger, s’ils le veulent, un court texte donnant un conseil de lecture genre « comfort books » pour le confinement, que l’on distillera au fil des jours…
Au tour du graphiste Sébastien Hayez.

Histoire du Graphisme avant la modernité en trois temps et cinq mouvements (Premier temps. Avant l’écriture. Premier Mouvement. Muthôs) Thierry Chancogne
Franciscopolis éditions ISBN : 379-10-97348-00-7

Tracer les contours d’une histoire du graphisme avant la modernité, c’est-à-dire avant l’impression, c’est s’aventurer dans l’aspect le plus humain du graphisme : l’art de tracer des signes faisant sens. De cet acte magique, d’un doigt dans le sable, capable de désigner le cosmos entier, jusqu’à l’apparition de l’écriture, Thierry Chancogne se présente en virtuose des liens inattendus entre des pratiques que tout éloigne, redonne sens à un mot usé jusqu’à la corde par une étymologie savoureuse et tisse la trame d’une histoire de pratique spirituelle.
Graphiquement, le livre peut heurter par sa radicalité mais la lecture n’est pas handicapante et l’objet final trouve une véritable identité, liant fond et forme grâce à une iconographie vivante. Une lecture recommandée pour l’amateur inculte, l’anthropologue curieux ou le lecteur aimant être surpris.

Lectures réconfort 6

Nous avons proposé à nos auteurs et collaborateurs de rédiger, s’ils le veulent, un court texte donnant un conseil de lecture genre « comfort books » pour le confinement, que l’on distillera au fil des jours…
Au tour d’André-François Ruaud.

Je pratique beaucoup la relecture et il y a un certain nombre d’auteurs et d œuvres que je considère comme des sortes de « pantoufles », des endroits réconfortants auxquels j’aime revenir régulièrement. De tous ceux-là, la série policière américaine des Nero Wolfe, l’homme aux orchidées, par Rex Stout, est certainement celle à laquelle je suis le plus attaché, depuis l’enfance : mon grand-père en achetait les traductions à parution, chez Fayard. J’ai d’ailleurs consacré un volume de la « Bibliothèque rouge » à ce personnage hors norme, qui pratiquait le confinement de sa propre volonté. Ne sortant absolument jamais de son hôtel particulier new-yorkais, Nero Wolfe, détective privé génial et d’origine monténégrine, partage son temps entre la cuisine de son chef suisse, Fritz, sa prodigieuse collection d’orchidées, sur le toit, et les enquêtes que le pousse à mener son fidèle assistant, Archie Goodwin, afin d’entretenir le compte en banque.

Lectures réconfort 5

Nous avons proposé à nos auteurs et collaborateurs de rédiger, s’ils le veulent, un court texte donnant un conseil de lecture genre « comfort books » pour le confinement, que l’on distillera au fil des jours…
Au tour de Christine Luce.

La poursuite du confort ne me réconforte pas lors des moments difficiles de l’existence, je ne quête pas la sérénité et encore moins la résignation, j’ai besoin de partager la rage de vivre malgré chaque férocité, malgré chaque mesquinerie, malgré chaque sale tour orchestré par le quotidien et qu’il devient insupportable. L’art d’utiliser les mots sans concession bouleverse mes perceptions, amplifie ma vision du monde grâce à des écrivains qui n’ont pas craint d’écrire la leur. Parmi eux, la bonté intransigeante d’Istrati, la tragique satire de Caldwell, l’insurrection poétique de Haidar, enflamment le désir de vivre plutôt que la peur de mourir.

Codine (1926) de Panaït Istrati (1884-1935), la fiction autobiographique de l’enfance de l’auteur roumain à la fin du XIXe siècle, fils d’une blanchisseuse et d’un contrebandier grec.
« Sais-tu ce que c’est : faire mal à quelqu’un ? — C’est le
faire souffrir, dis-je. — Non. Mon bonhomme! Tu n’y es
pas. Le mal, le seul mal, c’est l’injustice : tu attrapes un
oiseau et tu le mets en cage ; ou bien, au lieu de donner de
l’avoine à ton cheval, tu lui fous des coups de fouet. Voilà
des injustices. Il y en a bien d’autres… »

La Route au tabac (1937) de Erskine Caldwell (1903 -1987), l’autopsie tragi-comique d’une société morbide pendant la crise de 1929.
« Lov posait des questions à Pearl. Il lui donnait des coups de pied, il lui jetait de l’eau à la tête, il lui lançait des pierres et des bâtons, il lui faisait tout ce qu’il croyait susceptible de la faire parler. Elle pleurait beaucoup, surtout quand Lov lui avait fait sérieusement mal, mais Lov ne considérait pas cela comme une conversation. Il aurait voulu qu’elle lui demandât s’il avait mal aux reins, quand il irait se faire couper les cheveux, s’il croyait qu’il allait pleuvoir. Mais Pearl ne disait pas un mot. »

La Morsure du coquelicot (2018) de Sarah Haidar (1987-), une science-fiction prospective, l’insurrection pour exiger le droit de vivre.
« Avril pue, et ce ne sont pas des narines frileuses qui vous le disent… Avril, l’on ne se contente pas de mourir, on se décompose au soleil, on persévère dans le martyre, on continue à soulever les cœurs, quand le sien est déjà tombé. »