De Manhattan à Mayotte

Au moment où nous écrivons ces lignes, nous attendons d’un instant à l’autre l’arrivée du transporteur avec les colis d’une nouveauté de février : Stan Lee, Homère du XXe siècle par jean-Marc Lainé, superbe monographie sur le grand maître des Marvel Comics. Nous attendons également le BAT de Paris, une physionomie ; et le tirage du recueil inédit et limité de Léon Groc, De la gloire dans de la boue, est enfin parti d’Angleterre. La neige semble perturber partout le trafic et tout cela se fait attendre… Et pendant ce temps, notre auteur Timothée Rey a regagné le soleil de son île de Mayotte, après être passé nous voir pour nous livrer les premiers chapitres de son roman — Les Souffles ne laissent pas de traces, jubilatoire polar préhistorique dont nous attendons déjà la suite avec grande impatience ! (ce sera une parution de 2014)

Tim Rey Mayotte

Paris, une physionomie

À peu de choses près, notre volume Paris, une physionomie, sous la direction d’Alexandre Mare, se trouve donc presque achevé. Préface :

L’esprit des lieux

Le principe de notre collection, la « bibliothèque rouge », est d’effectuer des portraits biographiques de grandes figures de la littérature populaire, dans toute leur véracité , c’est-à-dire « comme s’ils avaient existé » et au sein de leur contexte historique, social, urbain et criminel, notamment. Il s’agit d’une remise en contexte et d’une relecture par un examen effectué à la loupe des textes. De cette manière, plutôt que d’étudier cette littérature de l’extérieur, par-dessus , comme on le fait ordinairement en critique littéraire, nous procédons au contraire depuis l’intérieur même des œuvres, pour en faire jaillir toute la matière humaine,  l’essentiel des individus et des périodes concernés.
Des individus, des « héros » (Sherlock Homes, Arsène Lupin, Hercule Poirot… pour nos volumes les plus récents), qui sont tous ancrés dans des décors et des atmosphères essentiellement urbains. Des villes (Paris, Londres), ferments de ces imaginaires modernes qui sont le substrat de la « bibliothèque rouge » : le roman policier, la comédie sociale, dans un flot historique allant grosso-modo du début du xixe siècle aux années 1960 ou 70. Notre société contemporaine, naissant de l’industrie nouvelle et de l’architecture urbaine, et ses protagonistes s’agitant entre ombre et lumière, entre crime et quotidien…
Après ces portraits de grandes figures, il nous a semblé important de brosser ceux de ces grandes cités, selon les mêmes modalités. D’époque en époque, les villes étudiées de l’intérieur, dans leur littérature, leur architecture, leurs personnages célèbres et leurs atmosphères variables. En ajoutant aux outils de l’étude biographique et littéraire ceux de la psychogéographie (l’art de marcher en ville et d’en parler) et de l’histoire.
Il convient d’établir une atmosphère, celle des époques et des lieux. Et pour ce faire de s’attacher non pas à une généalogie légendaire mais avant tout aux faits, aux vérités historiques passées au tamis littéraire – c’est entendu, la littérature est avant tout un témoignage. De fait, nous avons rejeté les reconstitutions dites historiques, partant du principe selon lequel celles-ci ne peuvent être que fallacieuses. Les auteurs sont toujours les témoins – de ceux qui établissent la parole juste. Réunir des dizaines d’entre eux, flâneurs de Paris et de Londres, c’est en faire les chroniqueurs les plus attentifs de leur temps. C’est faire de leurs héros, dont ils ne sont que les biographes, les guides les plus audacieux de leurs villes.
À qui appartient Paris ? Assurément à ceux qui ont traversé ses rues. Paris est une ville où l’on  marche – soyons clair, les grandes révolutions se sont faites en marchant. De François Villon à Jacques Réda, en passant par Flaubert ou Léo Malet, les écrivains marcheurs ont raconté, à l’ombre des lumières de la ville, des personnages qui ont révélé des cartographies possibles de la capitale. En superposant les pas de Frédéric Moreau, de Maldoror, de Nestor Burma ou de l’inspecteur Bourrel, en réunissant plutôt qu’en opposant, se dessinent des rencontres possibles, obliques ou perpendiculaires. C’est le bon bout de notre raison, héritée de notre ami Rouletabille, qui nous permet de réunir dans un même ensemble le fabuleux destin muséographique de l’étrange docteur Spitzner et le Paris des folles fêtes du Quat’z’Ars. De la même façon, c’est notre géométrie ubuesque qui nous permet de croiser Flaubert et les lettristes dans un même ouvrage. Le dénominateur commun, notre goût pour les montages d’influences, pour les rhizomes souterrains qui, à l’instar du métropolitain, assure des milliers de correspondances possibles sans même remonter à la surface du monde. Partant du principe que le meilleur arrive souvent dans la perdition, nous espérons que nos lecteurs se perdront dans ce livre, comme ils se perdront à la recherche des personnages qui ont dessiné les rues et les avenues, les itinéraires littéraires et secrets qui sommeillent sous nos pas parisiens. Bref, Paris nous appartient.

Physionomies

Travaux de bouclage des deux volumes de la Bibliothèque rouge sur des capitales, Paris et Londres (parution mars 2013), en compagnie d’Alexandre Mare. Nous venons de trouver les citations qui figureront sur les rabats de couvertures, un Français brossant le portrait de Londres et un Irlandais faisant celui de Paris…

La rue luisante où tout se mire ;
Le bus multicolore, le cab noir, la girl en rose
Et même un peu de soleil couchant, on dirait…
Les toits lavés, le square bleuâtre et tout fumant…
Les nuages de cuivre sali qui s’élèvent lentement…
(Valéry Larbaud)

Paris s’éveille débraillé, une lumière crue dans ses rues citron. La pulpe moite des croissants fumants, l’absinthe couleur de rainette, son encens matinal, flattent l’atmosphère, Belluomo quitte le lit de la femme de l’amant de sa femme, la ménagère s’ébranle, un mouchoir sur sa tête, une soucoupe d’acide acétique à la main. (James Joyce)

Vies de villes

Nous venons d’enregistrer les fiches et documents pour nos deux nouveautés de mars 2013 (eh oui, ça se fait vraiment tôt) : Paris, une physionomie et Londres, une physionomie, deux portraits de villes à la manière « Bibliothèque rouge ». Ces deux volumes, sous-titrés « physionomie », étendent le principe des biographies fictives à deux capitales européennes, en brossant leur portrait. Une biographie de grande cité qui passe par l’étude successive de ses grandes époques modernes, racontées en portant l’attention sur l’aspect de la ville à chaque période (architecture, ambiance), les modes et mouvements qui la définissent, les grands personnages emblématiques de chaque époque (Sherlock Holmes pour la période victorienne tardive, Hercule Poirot pour l’entre-deux-guerres à Londres, Nestor Burma pour le Paris 1950, etc.), le contexte historique et social, les grandes figures (fictives – héros de polar par exemple – et réelles – grands écrivains, par exemple), le tout mêlé d’anecdotes humaines tirées de l’histoire comme des romans.

Ce portrait est complété par des témoignages d’écrivains ou de voyageurs (textes rares, français ou traduits), des encarts sur tel ou tel aspect précis (la pluie, par exemple), et par une série de promenades littéraires complètement originales, longuement mises au point, documentées et testées (une traversée de Londres dans les pas de Sherlock Holmes ; le Londres des visionnaires et des révolutionnaires, de Rimbaud à Lénine ; une balade le long de la Tamise, de Richmond à Hammersmith ; le Paris des crimes et de l’étrange de Fantômas ; une « toporgraphie » par Nicholas Royle…). Le but est de brosser les portraits de ces villes à travers leurs fictions et leurs mouvements littéraires, de vraiment peindre ainsi leur visage changeant au fil des ans, pour les amateurs de voyages et pour tout ceux qui aiment les nombreuses fictions consacrées à ces deux grandes capitales.