Extrait d’une de nos parutions d’octobre, Créatures ! d’Amadine Prié & Joël Bassaget.
Les monstres ne vivent plus au fond d’un placard dans une chambre d’enfant. S’ils ont depuis longtemps investi les studios d’Hollywood, ils n’ont pas pour autant déserté nos foyers : depuis l’avènement de la télévision commerciale, au milieu du siècle dernier, ces créatures de tout poil squattent le petit écran et suscitent des réactions contradictoires, mais rarement indifférentes. Car le monstre est avant tout cet être qui s’écarte de la « norme », qui fait rire ou inquiète, qui nous fascine et nous terrorise, menace l’humanité, révèle sa fragilité. Le monstre nous fait homme, et trimballe avec lui son propre regard sur nos contradictions, nos erreurs et nos zones d’ombre, nous poussant à redéfinir sans cesse ce qui, finalement, nous distingue de lui.
Les téléspectateurs américains aiment particulièrement les monstres. Au point qu’ils se sont approprié la traditionnelle fête d’Halloween pour passer tous les ans une soirée entière avec eux. À la télévision, et plus particulièrement dans les fictions, cette fête très appréciée de nombreux annonceurs est célébrée par presque tous les programmes. Rares sont les sitcoms qui échappent à leur épisode Halloween et même les séries dramatiques n’hésitent pas à déguiser leur script à cette occasion, pour laquelle on produit également des téléfilms spéciaux.
Mais les créatures fantastiques ne sont pas seulement des attractions d’un soir. Elles ont crevé l’écran, généré des succès parmi les plus grands du cinéma et sont naturellement venues peupler de nombreux programmes de télévision, devenant même parfois des vedettes.
Avec les progrès des effets spéciaux, la multiplication des chaînes spécialisées et l’essor des chaînes câblées, des créatures de toutes sortes ont ressurgi ces dernières années sur le petit écran, et l’on pourrait croire que nous vivons un véritable « âge d’or des monstres » à la télévision. Pourtant, ces figures sont présentes dès les premières fictions et n’ont jamais cessé d’inspirer créateurs et scénaristes.
Cet ouvrage ne se veut pas un dictionnaire des créatures apparues à la télévision, pas plus qu’il ne prétend offrir une chronologie exhaustive de ces apparitions. Il propose des repères et des réflexions autour de chacune des grandes figures de monstres, afin de mieux appréhender leur évolution télévisuelle et la place qu’ils occupent dans l’imaginaire collectif.
On nous dira : tout ne se vaut pas. Non, un épisode de Starsky et Hutch ne vaut pas tout Buffy, par exemple, mais tel n’est pas notre propos : ce que nous avons voulu établir, c’est une sorte de toponymie des créatures de l’imaginaire telles qu’elles ont été recyclées et mises en scène dans le grand « bric-à-brac » des séries télévisées. Avec tout ce que cela comprend de ridicule — et de fulgurances, aussi.
Alors, l’ouvrage que vous lisez n’est pas (seulement) un essai, ce n’est pas vraiment non plus un catalogue (puisque l’exhaustivité serait folie), non : c’est une fête.
Celle des bourgeonnements et des foisonnements provoqués par la pression commerciale d’un support, la série télévisée, qui s’impose comme l’un des principaux vecteurs de cette nouvelle culture populaire qui, née des médias de masse, façonne dorénavant nos imaginaires et nos mythologies.
Nous avons volontairement restreint notre champ d’étude (à quelques exceptions près) aux productions anglo-saxonnes. États-Unis et Royaume-Uni représentent à eux seuls un échantillon plus que significatif de la production télévisuelle de ces soixante dernières années et ont l’avantage d’offrir un « terrain commun » à la majorité des amateurs actuels de séries.
Zombies, vampires, loups-garous, extraterrestres, robots et autres créatures à poil, à plumes, à écailles, griffues, velues ou métalliques : oubliez vos peurs et venez assister sans plus tarder à la grande parade des monstres…