Dévoreur, un autre extrait.

Citation

extrait Dev

Dévoreur de Stefan Platteau (http://www.moutons-electriques.fr/livre-359), la magie des astres canalisée dans des mots :

« Il a surgi de derrière la bâtisse, trottinant d’un pas souple : un énorme chien sombre, plus grand que mes ânes, au pelage totalement noir, je veux dire, noir d’absence, noir de néant. Il n’en luisait que deux yeux de perle, qui feignaient de ne pas me regarder, et dedans la gueule deux rangées de dents semblables à des lignes de crêtes. Par quelque caprice de la nature, sa robe ombreuse avait laissé nue la peau de ses mâchoires, mauve et ocre, maladive, tendue comme parchemin sur l’os. Il arrivait sur moi d’une allure apparemment décontractée, mais en réalité rapide et suffisamment directe pour que je sente venir la menace. J’ai perçu son odeur : celle du feu et des scories de métal, celle du sang sur la fourrure. Une peur paralysante m’a serré le coeur. J’ai juste pensé que j’allais finir en barbaque dans l’instant.
Le vent a soufflé comme un goût de sel sur mes lèvres ; et alors, le chien s’est mis à parler. Ou plutôt, à murmurer dans le vent. Sa voix n’émanait pas seulement de son robuste poitrail : elle montait du sol en grondant, s’enflait dans l’air en dilatant les constellations. Mais il s’adressait à moi seul, et tandis qu’il discourait, je voyais pulser au fond de son gosier un soleil sombre en suspens. Il me disait des choses, des choses… qui me faisaient frémir d’horreur et de répulsion. Il m’invitait, au mépris du sens commun, à découvrir et à commettre… à aiguiser… à goûter… à transgresser… à accomplir… eh bien, quelque chose de totalement nouveau. J’étais en nage, les braies et la chemise me collaient à la peau ; toute mon eau me fuyait le corps. La bête m’a montré un avenir tellement choquant, tellement extraordinaire, que mes sens s’en sont voilés, et que j’ai connu un moment d’absence. »

Dévoreur de Stefan Platteau (extrait)

Couverture de Dévoreur

Dévoreur de Stefan Platteau, une fantasy indépendante dans l’univers des Sentiers des Astres

« Elle s’est embrasée dès l’instant où j’ai posé mon regard dessus. Son nimbe a dévoré les autres astres pour emplir la moitié du ciel, sans un bruit. La lune s’est éteinte pour lui faire place nette, elle s’est réduite à une vague empreinte luminescente reléguée dans les ténèbres de sa part de nuit. Il s’est mis à faire soudain terriblement chaud dans mes montagnes, chaud et clair. J’avais les oreilles qui bourdonnaient, les iris saturés de lumière, et le monde tournait tout autour de moi. Je titubais, comme ivre, tandis que ma peau buvait malgré moi toute la radiance de l’Astre et m’en gorgeait à nausée. J’ai cherché appui un instant contre le mur du refuge. J’ai enfoui mon visage dans le creux de mon coude pour préserver mes yeux de cet incroyable feu céleste, je me suis accroupi contre la bâtisse, puis recroquevillé sur moi-même. Alors j’ai senti décroître peu à peu la pression dans mes tempes, tandis que la nuit, par-delà mes paupières, retrouvait graduellement sa noirceur. L’étoile – la planète – était en train de se coucher derrière l’horizon.»
« J’ai rouvert les yeux. Toujours assis sur mes talons, j’ai levé la tête pour regarder les autres astres retrouver peu à peu leur place dans l’éther, et leur mouvement de tourbillon se ralentir, se ralentir, tandis que le silence emplissait tout de sa pesanteur. Et puis soudain, alors même que je croyais le phénomène terminé, une flambée de lumière s’est abattue du ciel. Comme un javelot de braise, elle a frappé le monde juste derrière le refuge. Il n’y a eu ni souffle ni vacarme, point d’embrasement, pas le moindre son, en fait ; mais j’ai senti sur le coup trembler le fond de mes os. »
« J’ai retenu ma respiration et j’ai attendu, sans plus oser bouger, que la folie du ciel manifeste sa prochaine lubie. C’est alors que j’ai perçu ce halètement lourd à quelque pas de moi. »

Dévoreur de Stefan Platteau, quand l’écriture chevauche les astres.

http://www.moutons-electriques.fr/livre-359