Lectures réconfort 1

Nous avons proposé à nos auteurs et collaborateurs de rédiger, s’ils le veulent, un court texte donnant un conseil de lecture genre « comfort books » pour le confinement, que l’on distillera au fil des jours…
Premier à s’y coller, François Peneaud ouvre le bal.

James Morrow est un drôle d’oiseau. Athée convaincu, il écrit des romans où la religion et ses travers tiennent souvent la place d’honneur ; écrivain souvent rangé dans les cases fantasy ou science-fiction, il a aussi composé plusieurs romans historiques, dont le foisonnant et jouissif Galápagos Regained (L’Arche de Darwin, Au Diable Vauvert, 2017, trad. Sara Doke).
Au milieu du XIXe siècle, Chloe Bathurst, une jeune actrice dans la dèche, trouve un emploi de gouvernante chez Charles Darwin. Quand une association lance un concours pour prouver l’existence – ou non – de Dieu, Chloe voit en les dix mille livres promises au vainqueur l’occasion inespérée de délivrer son père, enfermé dans un hospice pour pauvres. Elle dérobe à Darwin un manuscrit de la théorie de l’évolution (publiée seulement dix ans plus tard) et se lance dans un voyage au long cours à la recherche de la preuve ultime de l’absence de moteur divin à la Création.
Avec la verve polémique d’un philosophe du siècle des Lumières – dont Morrow se réclame – et un sens du romanesque que n’auraient pas renié Jules Verne ou Robert Louis Stevenson, Morrow offre à ses lecteurs un roman à la fois hommage et parodie de ses grands ancêtres du XIXe, avec en bonus un personnage féminin principal qui ne s’en laisse pas compter.
En ces temps où l’horizon de chacun d’entre nous se limite au paysage entourant nos habitations, L’Arche de Darwin est un livre qui, par l’intelligence, l’humour et l’imaginaire débridé de son auteur, est parfaitement à même de nous aider à nous évader vers des cieux plus ouverts.

Mais que lire ?

En ces temps difficiles, entre confinements et incertitudes, que lire ? Le boss ovin, André-François Ruaud, a rédigé le petit texte suivant…

Ce sera peut-être le seul et unique effet bénéfique de la crise inouïe que nous vivons : une percée de la lecture numérique en France, pays où les liseuses et les ePubs avaient jusqu’à présent eu plutôt du mal à s’imposer. Pour ma part, je le reconnais volontiers, je fus très vite séduit par ce nouveau mode de lecture : la légèreté de la liseuse, la possibilité d’agrandir les caractères, l’éclairage… Pour un absolu amoureux des livres en papier comme moi, et sans rien renier de ces derniers assurément, je fus le premier surpris des possibilités et du confort différent de la lecture numérique. Et en ces temps où il n’est plus possible d’expédier des livres papier ou de visiter une librairie, j’ai éprouvé l’envie de vous conseiller quelques titres de chez nous disponibles en numérique, une sélection parfaitement subjective et partielle…

Forcément, je pense aux nouveautés, dont la version papier demeure bloquée, mais dont la version numérique sortira tout de même (diffusion eDantès). Ayant accompagné pas à pas Les Canaux du Mitan d’Alex Nikolavitch, ce roman me tient très à cœur.

En tant qu’éditeurs, nous cherchons en permanence à pousser en avant de nouveaux auteurs ; et en tant que passionnés de fantasy, nous cherchons en permanence à renouveler le genre, afin qu’il ne s’épuise pas. Après Jean-Philippe Jaworski, Stefan Platteau et Nicolas Texier, nous parions particulièrement sur Alex Nikolavitch comme futur nom important des littératures de l’imaginaire : Trois coracles cinglaient vers le couchant inaugurait ce qui deviendra finalement une trilogie arthurienne. Avec Les Canaux du Mitan, il forge un nouvel univers, très neuf pour la fantasy : décors de grande plaine façon Far West (quelque part vers les films Sleepy Hollow et Dead Man), de canaux démesurés et de villes neuves (comme Boston ou New York au début du XXe siècle), le tout subtilement décalé, réinventé, sur fond de magies ancestrales. Tandis que les guerres magiques déchirent l’ancien continent, sur le nouveau continent tout reste à fonder, y compris un nouvel équilibre magique. Un tel imaginaire, que l’on peut qualifier de post-magique, c’est-à-dire situé après les grands conflits contre des méchants millénaires dont la fantasy classique est emplie, commence à peine à se développer, c’est certainement le premier exemple du genre en francophonie.

Quelqu’un d’autre en qui nous croyons vraiment beaucoup : Nelly Chadour. Après son étonnant Espérer le soleil, uchronie post-apo de fantasy urbaine avec des vampires (rien que ça !), elle a livré chez nos partenaires des Saisons de l’étrange un court roman intitulé Hante-voltige que j’estime rien moins qu’excellent. Situé en pleines années 80 à Paris et en banlieue, c’est entre horreur et polar une véritable baffe, des personnages originaux et attachants, et comme une petite musique à la Roland C. Wagner. Superbe et prenant.

Dans un tout autre style et par un « vétéran » reconnu des littératures de l’imaginaire, monsieur Christian Léourier. Nous avons eu l’immense plaisir de rééditer sa Planète inquiète, autrefois paru en « Ailleurs & Demain » (excusez du peu) et étrangement tombé entre les mailles du filet, un roman de science-fiction qui n’avait jamais été réédité. L’auteur l’a pas mal retravaillé, et le résultat me semble constituer une œuvre majeure du genre, carrément. Et ce n’est pas tous les jours que l’on « ressuscite » une œuvre majeure.

Allez, un petit dernier pour le confinement ? Au sein de nos publications, Les Papillons géomètres de Christine Luce fut fort remarqué, un roman pour le moment indépendant (nous ne cessons de demander à l’autrice de nous livrer un deuxième volume dans le même univers !), sur lequel je vais laisser s’exprimer l’un des meilleurs critiques actuels, François Angelier de l’émission « Mauvais genres » sur France Culture, qui dans Le Monde écrivit : « L’au-delà ne répond plus. Commence alors, dans les profondeurs et les replis de la métropole immense, une traque frénétique qui va mobiliser non seulement les capacités parapsychiques de la voyante, mais également les puissances de l’outre-monde. S’affrontent, en effet, tout au long du livre, dans les outre-fonds d’un Londres sombre et détrempé, les forces d’un réel historique prosaïque et préhensible, et des entités fluidiques voraces et omnipotentes. Tour à tour rivaux puis alliés, le monde des esprits et celui des hommes sont, au fil du récit, l’objet d’une violente tentative d’émulsion romanesque. Une fusion narrative ouvragée dans un style « préraphaélite », opulent et scintillant.
Cette sarabande, sur la ligne de crête séparant le visible et l’invisible, fait tout le soufre de ces Papillons géomètres libérés par la romancière Christine Luce. Auteure, jusqu’ici, d’un roman jeunesse, elle effectue là une incursion notable dans les horreurs sélectes du fantastique victorien, dont elle actionne les sortilèges et manipule les décors avec brio et efficacité. »

Tous nos livres numériques sont réunis sur cette page.

Prenez soin de vous, prenez garde à vous,