Christmas crimes

Hercule Poirot, une vie, Mauméjean & Ruaud, extrait du chapitre 13.

[…] Contrairement à la croyance exprimée devant Poirot par le colonel Johnson, chef constable du Middleshire, lorsqu’en décembre 1938 le détective se trouvera en vacances chez lui. Rencontré lors de l’affaire du Drame en trois actes, le brave policier déclare alors qu’à son avis Noël n’est pas une saison très favorable au crime. Une opinion d’une sentimentalité toute britannique, selon le petit Belge, qui choque son hôte en affirmant que toute cette bonne volonté forcée, toute cette bonne humeur obligatoire, toute cette surabondance de nourriture, ne peut que conduire à l’indigestion et à l’irritabilité. Jusqu’au crime : « Vous dites que Noël est une époque de réjouissances et de belle humeur. Cela signifie, n’est-ce pas, que l’on mange et que l’on boit beaucoup… en fait plus que de coutume ! Trop manger provoque des indigestions ! Et les indigestions rendent les personnes irritables ! […] À l’occasion de ces réjouissances, les familles désunies se réconcilient et se rassemblent à nouveau. Du fait de cette situation, cher ami, transparaît une certaine gêne entre ceux-là même qui, la veille, se trouvaient divisés. Ceux qui sont le moins aimables tâchent de paraître au summum de la gentillesse. C’est ainsi que, lors des fêtes de Noël, se déploie une grande hypocrisie, certes pour le plus excellent des motifs, je l’admets volontiers, mais hypocrisie tout de même. […] Je voudrais vous faire comprendre que dans ces dispositions de gêne mentale et de malaise physique, les malentendus qui n’étaient jusque-là que légers et bénins peuvent soudain adopter un caractère plus sérieux. À force de vouloir passer pour plus aimable, indulgent et généreux qu’on ne l’est dans la réalité, tôt ou tard, on finit par se rendre plus déplaisant qu’à l’ordinaire. On veut contenir ses penchants naturels, mais bientôt la digue cède et le désastre se produit. »
[…]
Les meurtres de Noël sont à ce point monnaie courante qu’ils deviendront un élément classique du roman policier. Agatha Christie elle-même aura l’occasion de faire le récit d’un autre de ces décembres macabres, pour une affaire impliquant cette fois miss Marple. En cette fin décembre 1947, Mrs McGillicuddy se précipite chez sa vieille amie de St Mary Mead : « Oh ! Jane ! Je viens d’assister à un meurtre ! » Rentrant de Londres, Mrs McGillicuddy avait pris en gare de Paddington le train de 16h 50 pour Brackhampton lorsque, à la faveur d’un croisement, elle a vu dans le compartiment de première classe d’un train roulant sur la voie parallèle, un homme de dos en train d’étrangler une femme. […]
On citera enfin quelques autres récits criminels de qualité, relatant des affaires de Noël : invité un soir de décembre dans le Yorkshire, un peu avant la Deuxième Guerre mondiale, John Appleby de Scotland Yard se retrouve confronté à l’assassinat d’un membre de la famille de Belrive. « Quand on dîne dehors, murmura-t-il, on ne s’attend pas à voir servir son plat de tous les jours », mais Appleby débrouillera l’affaire, bien entendu. Pour sa part, c’est à deux reprises que le détective privé Nigel Strangeways aura à mener l’enquête à Noël : en 1935, son oncle sir John, fonctionnaire de haut rang à Scotland Yard, lui demande d’aller s’occuper d’une affaire de lettres anonymes pour son ami l’aviateur Fergus O’Brien ; et en 1940, lors de la découverte d’un corps dans un bonhomme de neige, chez des cousins de son épouse Georgina, dans leur propriété d’Easterham Manor, dans l’Essex. Décidément abonnés à cette période hivernale, Georgia et Nigel Strangeways avaient déjà dévoilée une affaire d’espionnage peu de temps après le Nouvel An précédent, sur la côte du Devonshire. Lord Peter Wimsey enquêtera lui aussi deux fois à Noël : lors des Neufs tailleurs (The Nine Tailors, 1934), quand en 1929 il se trouvera bloqué dans la région des Fenn par de grandes inondations, puis en 1932 pour l’affaire du « Necklace of Pearls ». Enfin, Albert Campion enquêta vers 1950 dans « On Christmas Day in the Morning », mais aussi un certain nombre d’autres fois, contées dans les nouvelles « The Man with the Sack » et « The Snapdragon and the C.I.D. ». Enfin, un autre enquêteur d’origine aristocratique, le surintendant Roderick Alleyn, aura l’occasion de suivre Le Cercueil de Noël .

Belles images

Deux nouvelles couvertures, assurément très différentes : tout d’abord, conçue par Sébastien Hayez, celle de notre souscription en cours, le recueil à tirage limité De la gloire dans de la boue par Léon Groc, brèves nouvelles rédigées dans les tranchées de la Grande Guerre. Comme l’explique Raphaël Colson dans son texte d’introduction : « Et dès la lecture faite de ces trente-deux histoires, nous n’avons pas hésité dans notre prise de décision : il nous fallait publier ce recueil. Pourquoi ? D’abord, par plaisir d’éditer un livre se situant en dehors des sentiers que nous fréquentons habituellement. Ensuite, parce que l’intérêt de cet ouvrage réside dans la valeur historique que représente la démarche entreprise par Léon Groc : dresser une passerelle entre deux mondes, le front et l’arrière, en se servant de sa collaboration avec un journal de l’arrière comme d’une tribune lui permettant, lui, l’écrivain soldat, de s’adresser au civil. Pour cela, choix a été fait par Groc de ne pas s’inscrire dans une veine journalistique, mais de produire de courtes fictions nourries par l’expérience du combattant. En privilégiant l’usage de la fiction, sa démarche n’est pas sans partager l’état d’esprit qui anime alors les journaux de guerre : dans ses récits, la violence des affrontements demeure hors-champ, car ce n’est pas ce sujet qui préoccupe Léon Groc ; ce qui compte pour lui, c’est d’évoquer l’ordinaire de la vie du « poilu » et de faire entendre au lecteur de l’arrière à quel point cette existence précaire fait du combattant un être à part, que les civils se doivent de respecter. » Le volume vient de partir chez l’imprimeur. L’autre couverture, c’est celle que vient de nous offrir Lewis Trondheim pour le volume de Yellow Submarine qui, en mars prochain, va marquer le trentième anniversaire de cet auguste fanzine. De quoi célébrer en beauté.

En travaux

En cette période de fêtes, les Moutons sont plus électriques que jamais, bourdonnant d’activités. Non seulement les voyages à la Poste sont-ils plus fréquents, mais les bouclages, bons à tirer et bons à façonner sont d’actualité brûlante.

Déjà, notre première nouveauté de janvier, le très attendu Porcelaine d’Estelle Faye, une splendide fantasy asiatique, est arrivée en stock. De l’autre sortie de janvier, Joypads!, nous est parvenu ce matin un premier exemplaire imprimé mais non encore assemblé, pour le « Bon à Façonner » (le feu vert final de fabrication). Des « maquettes en blanc » (livres montés mais non imprimés, donc uniquement composés de feuilles blanches, pour se rendre compte physiquement d’un projet) nous ont été apportées il y a quelques jours, pour la réédition hypra luxueuse (mais pas très chère) et à tirage limité de Gagner la guerre (une sortie d’août — chut, on en reparlera) et pour une certaine réédition couleur de fin d’année (ça aussi, on en reparlera). Des devis nous sont arrivés pour la nouvelle collection, que nous lançons en mai, le « Rayon vert », ainsi que pour une réédition en un volume des polars médiévaux de Nicolas Le Breton, La Geste de Lyon. Nous attendons le bon à tirer du Stan Lee de Jim Lainé (février) et pour le recueil Lee Winters shérif de l’étrange, de Lon T. WIlliams (février aussi). Alexandre Mare est venu bosser au QG lyonnais trois jours, afin d’entamer le bouclage de Paris, une physionomie et de mettre en branle le chantier du trentième anniversaire de Yellow Sumabrine (mars). Et sur l’ordinateur d’André est ouverte la maquette de Londres, une physionomie, aussi en bouclage bien sûr, tandis que se profile le tirage limité De la gloire dans de la boue de Léon Groc… Sans parler des nombreux rendez-vous, des nouveaux contrats (reçu ce matin celui de la numérisation de La Vallée du temps profond de Michel Jeury), des dossiers de subvention, des livres numériques en cours, de la maquette du gargantuesque prochain catalogue, de l’examen des nouveaux projets proposés…