Trois artbooks pour redécouvrir la féerie

banierv2Certains d’entre vous l’ont peut-être remarqué, nous avons lancé un nouveau financement participatif, visant la création de trois belles monographies sur les trois grands illustrateurs féeriques : Arthur Rackham, William Heath Robinson et Edmund Dulac.

https://fr.ulule.com/artbooks-feerie/

Nous avons déjà atteint les 65% et la progression constante de nos contributeurs nous offre la certitude que ces trois ouvrages paraîtront. Bien sûr, nous souhaiterions qu’ils sortent dans le format le plus magique possible, cartonné avec jaquette, et avec la possibilité de financer un quatrième volume, concernant les autres grands maîtres du trait merveilleux.

Alors, lecteurs de ce blog, nous demandons votre aide : parlez autour de vous de ce projet, que son financement s’envole parmi les fées !

Allison – une brillante mise en abyme générationnelle

Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre…

Cette fois-ci, c’est Julien Bétan, second des Moutons électriques, qui vient vous parler du roman de Laurent Queyssi… « Allison » (http://www.moutons-electriques.fr/livre-380)

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Allison

« JULIEN, EST-CE QUE TU POURRAIS LIRE ÇA, c’est un roman de Laurent Queyssi que j’ai très envie de publier, je voudrais avoir ton avis dessus ? » me demande André-François Ruaud lors d’un séjour bordelais. Laurent, je ne le connais pas vraiment, à part de réputation, comme écrivain et scénariste, spécialiste de science-fiction, auteur jeunesse chez Rageot. Il participe aussi à des émissions de WebTV, on a dû se croiser deux trois fois. Je transfère le fichier dans ma liseuse pour le trajet retour vers les portes de la Provence, navette, avion, train. Dès les premières phrases, le texte m’accroche. Je le lis d’une traite et passe la fin du voyage à rêvasser en sa compagnie.

Premier constat, c’est le genre de bouquin que l’on a envie de terminer, ne serait-ce que pour retrouver cet état trop rare qui survient lorsque l’on referme un livre nécessitant d’être digéré. Cette espèce de flottement, de rêve éveillé, entre fiction et réalité. Je plane un peu, comme Allison parfois, même si mes pieds à moi restent connectés aux vibrations du wagon, aux cahots sur la voie.

Je feuillette à nouveau les premières pages, songeant en tâche de fond à ce qui fait un bon roman, à cette insaisissable recette et à ses ingrédients. La musique se trouve au cœur de celui-ci, tisse sa structure même, rythme la narration comme la vie des personnages, mais elle se retrouve également à sa surface. Les choix sont précis, les phrases limpides, chaque mot sonne juste. Aucun de ces petits couacs qui émaillent le plus souvent la lecture d’un manuscrit, rien qui ne vienne heurter l’entendement ; si je n’ai pas du tout l’oreille musicale, je suis néanmoins particulièrement sensible à la mélodie d’un texte. La langue est fluide, efficace, véhicule une véritable émotion. J’en veux un peu à Laurent, mais pas méchamment : ça fait quand même un sacré bail que je n’ai pas eu une larme au coin de l’œil en lisant.

Je suis de la même génération qu’Allison, j’ai moi aussi grandi dans une petite ville monotone ­– et, comme elle, bien davantage en la quittant. Je me rends compte que cette plume épurée, à la simplicité trompeuse, est parvenue à me replonger avec délice et non sans nostalgie dans cette période précise comme dans l’univers mental qui était alors le mien. Une immersion qui ne tient pas tant à la proximité de ce récit avec ma propre vie qu’à la qualité de l’évocation, bien plus universelle cette fois, du passage à l’âge adulte. Une brillante mise en abyme générationnelle, qui dépasse les époques et vient nourrir une discrète réflexion sur la transmission et l’identité. Beau comme un plaisir de lecture adolescent, ce roman est un voyage dans le temps tout intérieur, qui fait un bien fou et rend aussi léger que lorsque l’avenir est encore, à nos yeux, illimité.

Julien Bétan

En quatre nouveautés, ce mois-ci, nous couvrons un large spectre des littératures de l’imaginaire et cela, avec quatre romans relativement courts, dont la force tient nettement dans leur propos plutôt que dans leur ampleur.

Allison plane en écoutant de la musique : littéralement ! Désireuse de comprendre, elle se lance à la recherche des fréquentations de son père, musicien mort quand elle était petite, puis part en Angleterre pour rencontrer un journaliste qui semble connaître le phénomène. Puisant dans son goût pour la musique pop des années 90, Laurent Queyssi propose une comédie douce-amère sur l’adolescence, les origines et le passage à l’âge adulte. Un voyage dans le temps tout intérieur, qui fait un bien fou et rend aussi léger que lorsque l’avenir est encore, à nos yeux illimité. (titre également dispo en numérique)

Dur silence de la neige de Christian Léourier est un autre roman court que le nouveau petit format nous permet de proposer enfin. Il n’est pas toujours aisé pour un auteur de se trouver « enfermé » sous une étiquette. Si Christian Léourier est bien connu en littérature jeunesse, dans le domaine pour adultes son nom est synonyme que de science-fiction et pourtant, ce grand auteur a ressenti le besoin de livrer un beau roman de littérature classique, âpre, sombre et prenant. Pour nous, son style se compare réellement au meilleur d’un Jean Giono ou à Un crime de Bernanos, c’est dire s’il s’inscrit bien dans une littérature d’une ruralité puissante — loin des sentiers de la SF mais d’une ambiance fantastique, quoique le surnaturel ne surgisse jamais. (titre également dispo en numérique)

Rite de passage d’Alexei Panshin est la redécouverte d’un roman culte de la SF, prix Nebula 1968. Fillette ordinaire, juste un peu petite pour son âge, Mia habite au Quatrième Niveau, Alfing Quad, avec son père Miles Havero, mathématicien et membre du Conseil du Vaisseau. Son autobiographie est rédigée de manière très convaincante, avec franchise (elle reconnaît dès la première ligne qu’elle a certainement un peu inventé les passages de l’histoire dont elle ne se souvenait pas bien), clarté, et une touche d’humour intelligent. Fine mouche, elle ne manque jamais de nous exposer les tenants et les aboutissants d’un fait — quand c’est à sa portée, du moins. Une autobiographie, mais dans un cadre de science-fiction — celui d’un immense vaisseau spatial, où vit toute une société en vase clos. Un roman majeur, en nouvelle traduction.

Ce qui réunit tous ces titres, c’est à la fois leur format : ils sont courts, alors qu’en littératures de l’imaginaire on favorise souvent les pavés ; et ils sont plutôt « écrits de l’intérieur » (comme disait Cortázar) que « vus de l’extérieur » comme on le pratique le plus souvent en littératures de genres. Notre quatrième roman du mois, lui, est d’une narration plus classique en imaginaire et rejoint des passions souvent abordées dans notre catalogue : l’ère victorienne, Dracula, Jack l’Éventreur, Londres… Dans un thriller aussi puissant qu’original, Je suis le sang, Ludovic Lamarque & Pierre Portrait font se croiser deux mythes criminels, deux intrigues : celle, réelle restée jusqu’à ce jour mystérieuse, et l’autre, romanesque, dont ils révèlent les ressorts cachés… (titre également dispo en numérique)