Les bienfaiteurs

En 2016, Les Moutons électriques ont publié Kallocaïne, incroyable et angoissante dystopie suédoise, retraduite avec brio par Leo Dhayer. Le livre fit sensation : plus de 10K exemplaires vendus.

Doutes, inquiétudes, notre présent les instille au quotidien en particulier lors des élections dont les discours nous jettent en plus grand trouble encore. Le spectre de l’autoritarisme, le totalitarisme religieux, les souches rances du racisme sapent notre esprit. Après le paroxysme de ces derniers jours, Kallocaïne offre avec son lendemain vaincu l’occasion de raffermir nos choix et d’éliminer les scories fascistes qui auraient pu nous atteindre. Notre futur est meilleur que celui de Karin Boye aujourd’hui.Mais les Moutons électriques ne s’arrêtent pas là, nous avons l’honneur de vous présenter une autre facette de la dystopie, qui résonne peut-être plus avec notre présent qu’avec notre futur.

Dans Les Bienfaiteurs de James Gunn, la mauvaise humeur est un crime, la dépression, une transgression punissable de trépanation. La tyrannie du bonheur règne, les individus doivent maximiser leurs capitales joies et suivre religieusement les directives de la méga coopération « Hedonics ». Oui, il est vrai que cette société à but lucratif réalise réellement votre bonheur, mais comment exister quand l’on ne peut crier non ?

Traduite par la première fois en français par Stéphan Lambadaris, une dystopie à dévorer sous le soleil écrasant de juillet, et ses injonctions à se délasser au plus vite dans le court temps estival imparti à cet effet. Vous n’en sortirez pas intact.

Juillet 2024

Vingt ans, c’est plutôt joli comme chiffre, lorsqu’il s’agit de l’âge d’une petite maison d’édition. Vingt ans, c’est donc l’étape que nous fêtons cet été : vingt années de création, de passion, d’indépendance et de livres, tant de livres !

Nous nous étions demandé comment marquer cet anniversaire de manière un peu forte, et notre réponse est donc Solarpunk, un recueil consacré à ce nouveau sous-genre qui essaye de porter au sein de la SF des préoccupations écologiques, un brin d’espoir et des questions sociétales. Pour cela, nous avons commandé des nouvelles à 11 auteurs, et y avons ajouté quelques rééditions judicieusement choisies. Le tout représente 416 pages d’utopies, de paix et de spéculations, « un retour à l’essentiel et à la beauté » comme l’a écrit un chroniqueur. Et ça marche : le tirage est déjà presque épuisé !

Anniversaire aussi, avec un beau-livre assez exceptionnel, Dragons ! de Mélanie Fievet. Un sujet fascinant et merveilleux abordé selon tous les angles (littérature, mythes et légendes, manga, jeu vidéo, cinéma et série…) et avec une iconographie remarquable, en partie exclusive. Une réflexion passionnante et érudite (le mot est lâché !) de ce thème pour un vrai beau-livre, très grand et cartonné.

Un événement : la traduction d’une grande dystopie demeurée inédite en France. Les Bienfaiteurs. Partant d’une idée simple – une entreprise propose à qui le veut le bonheur garanti en échange de toutes ses possessions –, James E. Gunn imagine un récit, étalé sur plusieurs siècles, dans lequel le bonheur devient une véritable religion mondiale, une secte. Jusqu’à un final vertigineux que ne renierait pas Philip K. Dick, préfigurant 50 ans avant les questions posées par les films Matrix. D’une terrible actualité, avec sa quête d’un bonheur devenu presque vide de sens, un roman saisissant.

Et unn événement encore : L’Homme chimérique de Christine Luce & Serge Lehman. Mais qu’est-ce donc ? Inventée dans les pages de La Brigade chimérique au sein d’écrivains réels, George Spad était censée être l’autrice du roman imaginaire L’Homme chimérique : Christine Luce l’a donc écrit, en une forme de « produit dérivé » de la fameuse série de BD, avec la bénédiction de Serge Lehman qui y ajoute une longue préface inédite. Cette étourdissante mise en abyme de l’autrice fictive George Spad et de l’autrice réelle Renée Dunan est aussi et surtout une jubilatoire mise en scène de l’imaginaire « merveilleux scientifique », la SF française d’antan, à grand renfort de savants fous et de créatures étranges, dans une esthétique rétrofuturiste.