Le secret d’Arsène Lupin, par A.-F. Ruaud

Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre… Cette fois, André-François Ruaud vous parle d’un détail surprenant que vous trouvez dans « Arsène Lupin, une vie », disponible maintenant en poche chez Hélios: http://www.moutons-electriques.fr/lupin-vie-poche

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Il faut que je vous révèles un petit secret, concernant Arsène Lupin, une vie, qui vient juste d’être réédité en poche Hélios : j’y ai glissé un petit peu de ma famille, car figurez-vous qu’en finissant de travailler sur cette version de ma biographie du gentleman-cambrioleur, j’ai découvert qu’il y avait un lien DIRECT entre lui et les miens.

Situons la scène : je suis assis dans un fauteuil, sur la pelouse devant chez mes parents, un ordi portable sur les genoux. Je suis en train de papoter avec mon paternel, car je lui ai fait part de ma légère frustration concernant le sujet des salons littéraires parisiens : j’ai lu plusieurs études sur le sujet, mais toutes se penchent sur des salons bien antérieurs à l’époque de Lupin, au tournant du siècle ou au début du siècle suivant, en tout cas jamais dans la période des Années Folles où mon gentleman-cambrioleur se met plus particulièrement à fréquenter les salons huppés de la capitale, certainement afin de glaner des renseignements utiles à ses illicites activités — en plus de son goût pour les frivolités mondaines. Bref, pour ce chapitre j’ai du un peu extrapoler depuis des témoignages antérieurs ; et mon paternel de m’apprendre qu’une de mes arrière-tantes, Lucie dite Maman Cie (Lucie Dalloux, épouse Boutilier du Retail, 1886-1968), tenait au milieu des années 1920 un salon. Intéressé, je lui en fais dire un peu plus, et notamment lui demande de me donner des noms de « gens célèbres » qui auraient été alors des familiers du couple Boutilier du Retail — je sais déjà qu’un de leurs plus proches amis était l’acteur Henri Crémieux, qu’ils cachèrent ensuite durant la guerre, mais qui d’autre ? Et mon père de me citer quelques écrivains déjà oubliés : Maurice Constantin-Weyer, Gérard-Gailly, Maurice Bedel, Claude Aveline (tiens, un polardeux), Francis de Croisset… Je reste un instant interdit, cherchant dans ma mémoire pourquoi ce dernier nom me dit quelque chose… Puis je réalise : attend, attend, tu as bien dit Francis de Croisset, le dramaturge Francis de Croisset ? Oui, fait mon père, l’auteur de pièces de boulevard.

Quelle révélation : Francis de Croisset, le troisième et dernier des grands noms du Boulevard, n’est autre que le co-auteur de la pièce Arsène Lupin avec Maurice Leblanc ! Ainsi donc existe-il un lien réellement direct entre l’univers de Lupin et ma propre famille ; et comment ne pas supposer, de ce fait, qu’Arsène, peut-être sous son identité de Raoul d’Averny, fréquenta un peu le salon du 2 de la rue Vineuse dans le seizième ?

Tout cela, vous le trouverez page 194 de la nouvelle édition (page 228 du grand format).

Et tant que j’y suis à des confidences familiales, si vous ouvrez l’ancienne édition de notre Poirot, Les Nombreuses vies d’Hercule Poirot, à la page 21, la photo d’infirmières en 1914… celle du milieu n’est autre que Lucie Dalloux !

Un dernier détail, cocasse : lorsque j’ai reçu pour la même collection le manuscrit des Nombreuses vies de James Bond, par Laurent Queyssi, voici ce que j’y découvris : « Si l’on en croit le récit que fait l’agent 007 à John Pearson, c’est en 1930 que la famille s’installe en France dans une grande maison, près de Chinon, en Touraine. » Le jeune James Bond habita donc dans la région de Chinon, la ville originaire de ma famille ?! Amusé par la coïncidence, je glissai donc en illustration une gravure sur bois d’un ami de mon grand-père, le peintre James C. Richard (page 11).

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Janvier 2018

Puisse cette nouvelle année vous être bénéfique et fertile ! La ronde des jours ne cesse pas et, avec elle, la ronde des livres beaux et bons qui sortent chez les Moutons électriques…

Ainsi en ce mois de janvier 2018 publions-nous notre troisième traduction de l’Américaine Lisa Goldstein, après Sombres cités souterraines il y a un an et Amaz en Hélios. Si nous avons choisi d’essayer d’imposer cette plume étrangère en France, nous dont la traduction n’est pas l’habitude, c’est qu’il nous semble véritablement qu’il s’agit d’une voix majeure de l’imaginaire, une autrice injustement méconnue. Et nous le prouvons une fois de plus, avec cet Ordre du Labyrinthe, où les motifs du merveilleux et du fantastique sont mêlés à la texture du réel. Spectacles itinérants, mystères, meurtre, spiritisme, occultisme et, bien sûr, labyrinthes ! Croyez-nous, la magie de Lisa Goldstein est envoutante. [aussi dispo en numérique]

Ce mois de janvier est aussi pour nous celui des rééditions de certaines de nos meilleures ventes, dans des esthétiques neuves : ainsi du Manesh de Stefan Platteau, premier volume de ses « Sentiers des Astres », qui renait en grand format souple et sous une belle couverture blanche, noire et cuivre par notre graphiste émérite, Melchior Ascaride. L’occasion de découvrir cette pierre blanche dans le jardin de la fantasy francophone, voilà, c’est dit ! [aussi dispo en numérique]

Et dans le genre incontournable de la fantasy francophone, nous avons également Même pas mort de Jean-Philippe Jaworski, premier des « Rois du monde », qui se refait lui aussi une beauté en grand format souple… Dans les deux cas, de nouvelles éditions qui iront se marier dans votre bibliothèque avec celles de Gagner la guerre et de Janua Vera… [aussi dispo en numérique]

Et puis, parmi nos meilleures ventes s’inscrit aussi une étonnante trilogie par Xavier Mauméjean & André-François Ruaud, que nous ressortons en poche Hélios : les biographies de trois immenses figures de la fiction populaire, rien moins que Sherlock Holmes, Hercule Poirot et Arsène Lupin ! Trois vies d’aventures et de mystères, trois époques de la fiction, trois textes emblématiques de notre catalogue. [aussi dispo en numérique]

« Techno Faerie », un bel écrin excentrique.

Nous vous livrons régulièrement des « mots de l’éditeur » sur nos nouveautés, juste un petit texte à chaque fois afin de vous expliquer, de manière très personnelle, comme en confidence, l’origine d’un livre… Cette fois, André-François Ruaud évoque l’étrange aventure éditoriale de « Techno Faerie », par Sara Doke.

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En cette saison festive, j’ai eu envie de parler un peu d’un beau livre qui me tient à cœur, et je me suis souvenu de son histoire un peu compliquée, sans doute intéressante à vous raconter…

Ce beau livre, c’est Techno Faerie de Sara Doke. Il y avait longtemps que j’avais connaissance d’un univers sur lequel elle travaillait de temps en temps, et j’avais eu l’occasion de publier certaines nouvelles dans le livre-revue Fiction. Un jour, Sébastien, notre chef de fabrication freelance, passe me montrer un coffret tout à fait étonnant qu’il a fait fabriquer pour les éditions Glénat. Une sorte de beau classeur, avec d’un côté un livre et de l’autre des soufflets contenant des fiches… et aussitôt, j’ai pensé à Sara, à ses fées technologiques : voilà, il s’agissait d’une forme idéale pour concrétiser son univers.

Je fais faire un devis, qui est étonnamment raisonnable, et fabriquer une maquette en banc (c’est-à-dire, sans impression) pour la montrer à Sara, ravie.

Et puis le temps passe, Sara travaille à tout ceci mais elle n’a pas que ça à faire, elle est traductrice, bref les mois puis une année ou deux passent, et j’apprends qu’en fait le cartonnier sous-traitait filouteusement en Chine sa fabrication… Puis que les tarifs chinois ont tant augmenté que, non, de toute manière plus moyen d’envisager une telle fabrication, assez complexe… Oh, la déception. Et que faire : j’ai déjà payé à un illustrateur la couverture qui devait être celle du petit livre collé dans le coffret, Sara a commandé des dessins à plein d’amis illustrateurs, les textes sont très avancés… Comment réaliser tout cela, dans une forme un peu originale, malgré tout ? Après cogitations, nous décidons d’un ouvrage hybride, mêlant des parties en noir et blanc, sur papier bouffant, et des parties en couleur, sur papier couché. L’illustrateur de la couverture intérieure ? Eh bien, elle sera en ouverture. Allez, soyons fous : 4 pages couleur, puis 190 pages en noir (la fiction), puis 160 pages en couleur (les fiches de fées et des tonnes d’illustrations) ! Et comme entre-temps le graphiste Melchior Ascaride a rejoint notre équipe, c’est lui qui conçoit finalement la couverture. Un bel écrin, inhabituel et excentrique pour un livre-univers qui ne l’est pas moins. Trop inhabituel ? Le lancement est un peu lent, les libraires sans doute désarçonnés par un « produit » hors normes le boudent un peu. Mais au fil des années, le beau livre de Sara Doke poursuit sa carrière, il vit, il se vend. Et je n’en suis pas peu fier, je le reconnais.

http://www.moutons-electriques.fr/collection/bib-volta/techno-faerie

Le Roi Cornu

Amis lecteurs,

Si vous suivez nos parutions, vous avez sans doute vu l’annonce de ce beau tirage ultra limité : « Le Roi cornu, suivi de Dévoreur » par Stefan Platteau (couverture de Melchior Ascaride). Que vous soyez amateur de la plume merveilleuse de notre auteur belge, ou que, poussé par une saine curiosité littéraire, vous souhaitiez découvrir une fantasy d’une beauté rare, nous vous recommandons chaudement cet ouvrage. En deux longues nouvelles (indépendantes de la saga principale), vous découvrirez les Sentiers des Astres, son atmosphère cruelle de conte de fées, emplis de dieux indifférents, de faiblesse humaine, de magie terrifiante, sur lequel règne un envoûtant parfum de mythologie indienne.

Vous pouvez le commander en suivant ce lien : http://www.moutons-electriques.fr/roi-cornu-tdt

En attendant, un extrait de l’annexe inédite :

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DE L’ORDONNANCEMENT DES ÂMES ET DES PLANÈTES

Lorsqu’il s’agit d’étudier la structure du cosmos et de l’âme humaine — qui sont miroirs l’un de l’autre — les sages s’en réfèrent à l’un des plus longs livres sacrés hérités de l’Antiquité : le Sutra Surasyr.

C’est un texte d’une ineffable beauté et d’une très grande profondeur ; mais je crains que ses versets ne soient un peu complexes pour le profane. Il nous appartient donc à nous, bramynns de cendre et orateurs confiants, d’en traduire la teneur en termes plus simples, de sorte que chaque homme, chaque femme et chaque enfant puisse appréhender la beauté et l’ordonnancement universel, y trouver sa place et son équilibre.

Sache d’abord que le sutra classe les astres majeurs selon deux axes : fastes/néfastes et conquérants/rentrés.

Les Astres fastes sont ceux dont l’influence est généralement souhaitable. Elle assure l’harmonie des relations humaines, la résilience des êtres et la prospérité des communautés. Ce sont ceux qui portent chance, stabilisent les choses et permettent d’aller de l’avant. Ils sont représentés sur la moitié supérieure de la Roue des Astres.

Les Astres néfastes sont ceux dont l’influence n’est généralement pas souhaitable, car elle porte la guigne, conduit l’individu à des comportements égoïstes, fissure les sociétés et provoque le malheur. On les trouve dans la moitié inférieure de la Roue des Astres.

Les Astres conquérants sont des forces tournées vers l’extérieur de l’être, des facteurs de changement. Ils figurent à droite de la Roue astrale, et sont davantage influents sur la jeunesse.

Les Astres rentrés sont des forces intérieures, mieux présentes chez les hommes et des femmes mûrs. Ils sont représentés à gauche de la Roue astrale.

Il existe diverses façons de se placer volontairement sous la protection et l’influence d’un astre donné. La plus connue est, bien entendu, de faire le Narvin, c’est-à-dire de se peindre sur le front, avec des poudres sacrées, la rune associée au corps céleste choisi pour gouverner votre journée. L’élection de celui-ci devra être effectuée judicieusement, au besoin sur le conseil d’un bramynn, en fonction des enjeux qui vous attendent dans les prochaines heures. Par exemple, l’influence de la lune améliorera votre sensibilité et votre séduction, celle du soleil portera chance à vos entreprises, aiguisera votre parole et dissuadera les gens de vous mentir, celle de Vâli vous protègera des hasards et infortunes d’un périlleux voyage.

Tous les sages s’accordent à dire qu’un certain équilibre entre les astres est souhaitable dans l’âme humaine ; et ce, bien que, par nature, chaque personne possède sa propre déclinaison de cet équilibre, et que chaque planète rugisse plus ou moins fort d’une âme à l’autre. L’homme aspirant à la juste mesure peut corriger ses excès en recherchant l’influence d’un astre opposé. Par exemple, un être colérique veillera chaque fois que possible à dessiner sur son front le narvin d’Atun ou de Sahari, qui lui apportera la sérénité nécessaire pour contrebalancer l’ardeur bouillonnante d’Issa. Les aliments et épices (choisis en fonction des astres auxquels ils sont associés) l’aideront aussi à rétablir l’harmonie dans son Calice, de même que les symboles, métaux et couleurs placés dans son environnement.

Maintenant, voyons les Astres de plus près, et comment ils nous gouvernent… commençons tout en haut de la roue :

Suros, le soleil (faste) : Le soleil est l’Astre dominant qui régente la course de tous les autres. Les bramynn sont conscients depuis longtemps de sa place centrale dans le cosmos, grâce aux savants calculs hérités des géants. En lui prend racine toute royauté terrestre. Sa lumière révèle les vérités qui demeurent cachées sous la lueur des planètes nocturnes ; son feu inspire la franchise et confond les faux-semblants et les menteurs.

L’ardeur solaire est probablement la plus grande force créatrice de l’univers. C’est elle qui anime les bâtisseurs et les conquérants, leur donne le courage de recommencer inlassablement leur œuvre et de triompher de l’adversité. Elle rend puissante la parole, avive l’intelligence, confère de la clarté aux idées. Un nombre incalculable de métiers, castes et rôles sociaux sont placés sous sa gouverne, du Ksatri noble né à l’humble maçon, en passant par l’architecte, le marchand, le sculpteur et bien sûr la caste sacerdotale. On conjure Suros avant toute entreprise importante, pour s’attirer les faveurs du ciel et s’assurer du succès. On le prie d’accorder courage dans la bataille, vigueur aux jeux du lit, fertilité à la semence.

Toutes les traditions attestent que le soleil s’est incarné dans un grand nombre d’avatars au cours des ères. Plusieurs d’entre eux sont à l’origine d’inventions civilisatrices essentielles (par exemple l’écriture). Aux yeux des Confiants, le dernier de ces avatars est Harienn aux Trois visages, qui vainquit l’esprit rémanent des dieux du Vintou et l’enferma sous terre pour toujours. En tant qu’incarnation ultime de Suros, Harienn se place au-dessus de tous les autres dieux et avatars.

Les géants solaires sont considérés par les bramynn comme des semi-avatars, une première génération de serviteurs de l’Astre. Leur Calice est dominé par un Suros semi-éveillé. Selon la foi solaire, ils ont rejoint Harienn dans sa cité céleste après la Gigantomachie.

Quelques circonstances de la vie où Suros est invoqué : fondation d’une ville, couronnement d’un roi, consécration d’un temple ou d’un bramynn. Construction d’une maison, d’un pont, d’une tour ou d’un bâtiment. Départ d’une caravane marchande, inauguration d’une foire. Réalisation d’un chef-d’œuvre d’artisan. Comparution judiciaire, duel judiciaire, établissement d’un acte civil. Départ en guerre, veille d’une bataille, dressage d’une machine de siège. Demande en mariage, mariage, bénédiction du lit nuptial, naissance d’un enfant. Semailles. Déclaration sous serment.

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