Hercule Poirot, une vie (4e de couverture)

Les petites cellules grises les plus redoutables d’Europe, et certainement la moustache la plus fameuse du monde. D’origine belge, le détective privé Hercule Poirot fut créé par une très grande dame du crime, Agatha Christie, et s’impose encore aujourd’hui comme la figure d’enquêteur la plus célèbre après Sherlock Holmes. Sur fond d’Angleterre années 30, d’Art Déco et de tourisme exotique, Hercule Poirot déjoue avec maestria les petites mécaniques criminelles les plus subtiles.

C’est cette vie que nous avons voulu faire redécouvrir, sous la forme d’une véritable biographie. Depuis sa naissance en 1864 jusqu’à sa disparition en septembre 1960, une vie de légende, où se croisent également les figures d’Agatha Christie, Lord Peter, Albert Campion ou miss Marple. L’entre-deux-guerres et au-delà : Hercule Poirot, toute une existence.

Essayiste et écrivain, Xavier Mauméjean est entre autres l’auteur des romans Lilliputia et Rosée de feu. André-François Ruaud est un essayiste spécialisé dans les littératures populaires, également auteur dans la même collection d’une biographie d’Arsène Lupin. Ensemble, il ont déjà co-écrit une biographie de Sherlock Holmes.

ISBN 978-2-36183-077-9

Hercule Poirot, une vie (extrait)

Xavier Mauméjean et André-François Ruaud travaillent en ce moment d’arrache-pied (ou plutôt, d’arrache-clavier) sur la rédaction finale de Hercule Poirot, une vie, la version ô combien réécritre, augmentée et pour tout dire définitive, de leur biographie du grand détective d’Agatha Christie. Ce fort volume sortira en octobre dans la Bibliothèque rouge. En attendant, un extrait du chapitre 7, « Un duo et quelques bals »…

Bien souvent, au cours de leurs années de collaboration, Poirot ne pourra s’empêcher d’être cassant, ironique, ou tout simplement un peu moqueur, envers son acolyte. À la fin de l’enquête, Hastings excédé par les manipulations de Poirot se fâche et décide de bouder. Il faut dire que le capitaine Hastings n’a pas toujours la placidité d’un Watson, et que le détective belge ne possède pas la lascive hauteur d’un Holmes pour asséner des sarcasmes. Leur différence d’âge, de nationalité, et donc de culture, ne facilite pas toujours leurs échanges. Mais surtout, c’est la nature même de leur expérience qui peut les diviser et les rendre irritables : après tout, Hercule Poirot a déjà toute une carrière policière derrière lui et il trouve obligé de repartir de zéro, déraciné et économiquement assez précaire. Hastings de son côté fait partie des soldats amochés par la guerre, psychologiquement ébranlé et socialement déclassé. Indécis, souvent d’une grande naïveté, le capitaine est un garçon très peu sûr de lui.

Il s’agit d’un phénomène qui modèlera les années 1920 : à la génération perdue des jeunes gens tués à la guerre, s’ajoutera celle des jeunes gens revenus brisés et celle de leurs cadets qui, privés d’aînés et n’ayant pas vécu la guerre, manquent de repères. Ces derniers seront en général surnommés les « Bright Young Things » ou « Bright Young People », les jeunes gens brillants. Ce dernier mot sert durant cette décennie de qualificatif passe-partout : est « brillant » ce qui est moderne, à la mode, vivace, « branché » dirions-nous aujourd’hui.

« Les mots ‘Bright Young People’ devinrent un label pour tous les jeunes de Grande Bretagne qui faisaient quelque chose d’un tant soit peu inhabituel. Étant donné que beaucoup des Bright Young People étaient artistes, quoique parfois d’une manière aussi mineure qu’inconséquente, leurs traces pouvaient se suivre à travers une large gamme de la vie culturelle britannique.[1] » Leur style, vif, affecté, d’extérieur impersonnel mais d’intérieur souvent très vulnérable, sera adopté par toute une génération. Une attitude faussement détachée qui cache mal une sensibilité exacerbée sous les oripeaux du snobisme et de la frivolité : Evelyn Waugh fera un portrait acide de ses amis dans le roman Vile Bodies (Ces corps vils, 1930), en travestissant leurs noms, tandis que l’une des plus célèbres des Bright Young Things, Nancy Mitford, brossera le tableau de toute cette époque dans le diptyque The Pursuit of Love (À la poursuite de l’amour, 1945) et Love in a Cold Climate (L’Amour dans un climat froid, 1949). D’autres portraits naitront encore sur les plumes aigües de George Orwell (Et vive l’Aspidistra ! [Keep the Aspidistra Flying], 1936) ou d’Henry Green (Party Going, 1945 — un auteur bien placé pour témoigner ainsi, puisqu’il s’agissait du nom de plume d’un des Bright Young People, Henry Yorke), tandis que P. G. Wodehouse se fera l’agent littéraire des absurdes jeunes gens du Drones Club, Bertie Wooster et compagnie.

Lord Peter Wimsey fréquentera un moment l’une des cliques « brillante », le groupe de Dian de Momerie[2]. Plus tard, l’on écrira de cet autre détective typique des jeunes gens brillants, Albert Campion, que : « Il appartenait à la génération d’après-guerre, cette génération particulière qui était trop jeune pour une guerre et très prématurément trop vieux pour la suivante. C’était la génération qui avait ramassé les morceaux après l’holocauste qu’avaient provoqué ses aînés, pour voir son courageux nouveau monde maussadement brisé à nouveau par ses jeunes frères. Son âge était celui qui n’avait jamais connu l’illusion, la génération à l’humour noir[3] ». Mais sans attendre, le jeune Evelyn Waugh avait déjà eu ses mots prophétiques, dans un éditorial pour le journal de son école : « Ils ne formeront pas une génération heureuse. »



[1] D. J. Taylor, op. cit.

[2] Dorothy L. Sayers, Murder Must Advertise (Lord Peter et l’autre, 1933).

[3] Margery Allingham, Traitor’s Purse (1941).

Chocolat

Nos confrères des éditions de l’Épure, petite maison parisienne qui fête cette année ses 20 ans et qui est spécialisée dans les livres de cuisine, vient de sortir en guise de célébration de son bel anniversaire un ouvrage où ils ont demandé à 64 libraires fidèles de leur rédiger une recette, et de leur indiquer un extrait de livre (littéraire) parlant de cuisine. Cet ouvrage s’intitule Les Yeux plus gros que le ventre et nous en faisons partie, avec un extrait des Nombreuses vies d’Hercule Poirot, à propos du chocolat. Ce fut sélectionné par une librairie belge, Le Libraire Toqué à Namur. Merci à eux. L’éditeur nous avait fort aimablement demandé l’autorisation de reproduire cet extrait, et comme ils sont sympas ils signalent aussi que notre livre sera réédité l’an prochain sous le titre Hercule Poirot, une vie. Chouette, quoi.